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Sida, BPCO, Grippe...

Les noms des maladies ne sont pas donnés à la légère

Par Fabien Goubet

Une maladie peut être baptisée plusieurs fois au cours de son existence. Ces noms qui font référence aux symptômes, à leur découvreur ou encore aux peurs de la société, ont des conséquences sur les malades.

SIDA, 4 lettres mondialement connues. Il s'est aussi appelé le "cancer gay" ou encore la "pneumonie des homosexuels". VADIM GHIRDA/AP/SIPA

Grippe, Syndrome de Down, fatigue chronique, épilepsie… tous ces mots qui désignent des maladies ont des origines très diverses. Où les médecins vont-ils chercher ces noms ? A bien y regarder, certains termes renvoient aux symptômes, à la localisation d’une douleur, ou encore à d’autres références. Pour comprendre cette variété de noms, il faut remonter dans le passé. Durant l’Antiquité, les maladies étaient surtout classées par symptômes. Pour Hippocrate, une atteinte à la tête était nommée « mal de tête », « mal de main » pour la main, etc. Cela a permis une première description, une première classification méthodique des maladies, selon des critères d’exclusion et de différences : c’est ce qu’on appelle la nosographie. « Pendant des siècles, les médecins ont été beaucoup plus descriptifs que nominatifs, explique Patrice Josset, anatomopathologiste et historien de la médecine. Autrement dit le nom des maladies provenait de leurs symptômes ».


Des noms qui s’affinent grâce à la biologie cellulaire


Les choses ont ensuite beaucoup évolué à partir du 18e siècle. «Tout comme les naturalistes classaient plantes et animaux, les médecins avaient alors entrepris de classer toutes les maladies, en les répartissant en genres, classes, ou en espèces, déclare Patrick Berche, microbiologiste et historien de la médecine ». Par la suite, de nouveaux noms de maladies apparaissent grâce aux progrès scientifiques. Au 19e siècle, on leur associe des signes anatomiques ou des lésions : la tuberculose doit ainsi son nom aux tubercules apparaissant sur la peau des malades.


Au 20e siècle, l’avènement de la biologie moléculaire a permis d’affiner encore plus ces classements : une leucémie devient une leucémie myéloïde ou lymphoïde, selon les cellules concernées. Dans certains cas, le nom du découvreur passe à la postérité. La maladie d’Alzheimer doit son nom à Aloïs Alzheimer, le psychiatre allemand qui a le premier décrit intégralement les signes cliniques de cette maladie. De nos jours, on nomme aussi des maladies selon les signes biologiques associés. Après avoir appelé le Sida par toute une série de noms différents, les médecins ont finalement retenu le « Syndrome de de l’immunodéficience acquise »,  qui désigne l’ensemble des signes cliniques et biologiques observés chez ces malades.


Le contexte historique et culturel a également laissé son empreinte sur le nom de certaines maladies. Jusqu’au 17e siècle, on appelait l’épilepsie « la possession » car, importance du christianisme oblige, on pensait que les patients étaient possédés. On l’a ensuite nommée « le grand mal » car on l’estimait contagieuse. Ce n’est qu’au 19ème siècle qu’on retiendra le nom d’épilepsie, lorsqu’on découvrira qu’elle est en fait liée à un trouble neurologique.

Sans nom, pas de traitement possible

Les noms des maladies ne sont donc pas figés et ont au contraire évolué dans le temps. Mais pourquoi est-ce si important ? « Cela peut paraître trivial, mais réussir à donner un nom à une maladie, c’est déjà exercer un certain pouvoir sur elle, raconte Patrick Berche. Pour un patient, cela permet de catégoriser sa maladie, de s’identifier à d’autres malades, et éventuellement d’envisager un traitement pour guérir. Sans nom, il n’y a pas de traitement, le patient est perdu, va errer de médecin en médecin et rester dans le flou, voire s’adresser à des charlatans ». Nommer une maladie est donc capital pour les patients, mais aussi pour les médecins, qui ne peuvent prescrire le bon traitement s’ils sont dans l’ignorance.


La BPCO : une banque ou une maladie ?

La BPCO, ou bronchopneumopathie chronique obstructive, pourrait bien, par exemple, être victime de son nom improbable. Selon un micro-trottoir réalisé à l’occasion de la sortir du plan BPCO 2005-2010, ces quatre lettres évoquaient une banque plutôt qu’une maladie. Or, trois-quart des malades souffrant de cette pathologie pulmonaire l’ignorent. Le choix du nom n’est évidemment pas le seul responsable de cette méconnaissance mais selon de nombreux pneumologues, il y participe en ne facilitant les campagnes de prévention.


Enfin, le choix des noms en eux-mêmes « doit éviter toute connotation », précise Patrick Berche. Avant la découverte du virus du Sida, on appelait la maladie « cancer gay » ou « pneumonie des homosexuels »…C’est un des effets pervers de la catégorisation, qui peut conduire à une stigmatisation des malades ». En 2009, la question s’était posée avec l’épidémie de grippe A/H1N1. Baptisée par l’Organisation mondiale de la santé, cette maladie initialement nommée « grippe mexicaine », ce qui avait conduit certains pays à mettre des touristes mexicains en quarantaine de manière totalement injustifiée. Quant au tout dernier virus, par sûr que son nom reste dans toutes les mémoires. Après plusieurs tentatives, le choix s’est porté sur «Coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient», ou MERS-CoV. Pas très vendeur, diraient des publicitaires.