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Nouvelle année

Médicaments : la délivrance des génériques devient systématique

Par Raphaëlle de Tappie

Depuis le 1er janvier, la délivrance des médicaments génériques devient systématique dans les pharmacies. Pour qu'un médicament original soit remboursé, le médecin devra justifier sur son ordonnance cette décision selon des critères bien précis. 

Olivier Verriest/iStock

Si vous détestez acheter des médicaments génériques, l’année commence mal pour vous. Depuis le 1er janvier, les règles de délivrances des médicaments originaux, ou princeps, parfois préférés aux génériques grâce à la mention “NS”  ou “non substituable” sur une ordonnance se sont durcies. La délivrance d’un médicament générique devient donc systématique, à quelques exceptions près. Une décision qui soulève la colère de nombreux professionnels de santé. 

Depuis 1999, les pharmacies ont le droit de donner un médicament générique à la place de celui prescrit sur l’ordonnance “à condition que ce médicament soit dans le même groupe générique et que le médecin n’ait pas exclu cette possibilité par l’apposition de la mention manuscrite ‘non substituable’ sur l’ordonnance.” Mais depuis le 1er janvier, les médecins ne peuvent ajouter cette mention à leur ordonnance sans justifier d'une raison médicale conforme aux critères décrits dans l’arrêté du 12 novembre 2019.

Ce dernier liste trois “situations médicales” permettant aux médecins d’annoter la mention “non substituable” : MTE, EFG et CIF. “Les MTE (médicaments à marge thérapeutique étroite) concernent peu de médicaments. Il s’agit par exemple du Lévothyrox ou de médicaments visant à éviter les rejets après une greffe. Le deuxième cas, l’EFG, est celui de médicaments génériques qui n’auraient pas de forme pédiatrique (et seraient donc inadaptés pour un enfant). Il faut imaginer un médicament original disponible sous forme de sirop mais qui, en générique, le serait uniquement sous forme de comprimé. Actuellement, ce cas de figure n’existe pas, ils ont forcément la même forme, donc il s’agit d’une situation qui pourra exister à l’avenir”, explique explique Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) à 20 Minutes. “Le cas du CIF est le plus complexe, il concerne les allergies avérées à des excipients à effets notoires (EEN), selon une liste définie par les autorités de santé, que nous sommes encore en train d’établir mais qui concerne très peu de médicaments”, poursuit-il.

Quelques inquiétudes

Toutefois, si les pharmaciens doivent toujours proposer des génériques, le patient a le droit de prendre médicament de référence s’il le veut. Il ne pourra alors plus prétendre tiers payant, comme c’est déjà le cas depuis 2012. Cependant, à partir de maintenant, le “remboursement d’un assuré qui ne souhaiterait pas, sans justification médicale, la substitution proposée par le pharmacien se fera désormais sur la base du prix du générique”, indique le dossier de presse du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). D’après le ministère de la Santé, un générique coûte en moyenne 40% de moins que le princeps.

“Sachant que moins de 10 % des patients ne prennent pas de générique en France, nous ne sommes pas favorables à cette mesure, qui va entraîner des frais à la charge des patients et prendre beaucoup de temps aux pharmaciens avec un rendement faible pour les pouvoirs publics”, craint donc le FSPF.

La Confédération des syndicats médicaux français n'est pas plus emballée. “L’arrêté précisant les conditions de l’utilisation de la mention ‘non substituable’, dans le cadre d’une prescription de médicaments, est censé favoriser l’utilisation des médicaments génériques. Malheureusement, cet arrêté va à l’encontre de l’objectif poursuivi. Il prévoit des situations précises limitant l’utilisation de la mention ‘non substituable’, avec un codage explicite en fonction de la situation médicale. Outre le non-respect du secret médical, cette nouvelle dérive bureaucratique avec trois nouveaux codes est inacceptable pour les médecins libéraux. De plus, la non substitution est une situation qui peut également être nécessaire en fonction de l’état d’observance et la compliance du patient au traitement, et en fonction de la galénique du médicament”, dénonce-t-elle dans un communiqué de presse intitulé “La CSMF dit 3 fois non!”. Elle critique une “dérive bureaucratique” et appelle les médecins “à ne pas rentrer dans cette mécanique”.

Un “geste citoyen” d’après le gouvernement

Cela fait déjà plusieurs années que le gouvernement essaye de renforcer le recours aux médicaments génériques afin de faire des économies dans le secteur de la santé. En 2016, l'Assurance maladie avait même lancé une campagne d'information sur le sujet afin de dissiper la méfiance des Français, globalement peu enclins à demander des génériques par rapport à leurs voisins européens. 

“Le taux de substitution générique/princeps dépasse à ce jour les 80% en France” mais les “mécanismes en faveur de la substitution montrent aujourd’hui un certain essoufflement”, justifiait le gouvernement en annonçant cette mesure en septembre 2018.

“Nous avons en France un retard considérable sur l’utilisation des médicaments génériques”, déplorait alors la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Rappelant l’efficacité et l’absence d’effets secondaires de ces médicaments, elle apparente le recours à ces produits à un “geste citoyen”. A terme, “cela permet à la Sécurité sociale d’investir dans des médicaments très innovants”, notamment pour “traiter des cancers” d’enfants, assure-t-elle.