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Etude sur des triplets

Alzheimer : les limites de la génétique dans le développement de la maladie

Par Raphaëlle de Tappie

Une étude menée sur des triplets, dont deux atteints de la maladie d'Alzheimer, montre les limites de l'incidence génétique dans le développement de cette démence. 

tampatra/iStock

La maladie d'Alzheimer est la première cause de démence dans le monde. En 2015, 9,9 millions de nouveaux cas ont été diagnostiqués, soit un nouveau toutes les trois secondes. D’après le site de la Fondation pour la recherche médicale, cette maladie neurologique est la conséquence d’une combinaison complexe de différents facteurs tels que l’âge, le terrain génétique et des facteurs environnementaux. Cependant, alors que de nombreux chercheurs insistent sur l’importance de la génétique, une nouvelle étude sur des triplets identiques montre qu’elle a ses limites. En effet, dans la famille suivie, deux des triplets étaient atteints d’Alzheimer tandis que l’autre ne présentait aucun signe de démence à un âge avancé. Les résultats de cette expérience sont parus dans la revue Brain.  

Les deux triplés ayant développé la maladie ont été diagnostiqués alors qu’ils étaient respectivement âgés de 73 et 76 ans. Lors de l’étude, les chercheurs ont analysé la séquence génétique et l’âge biologique de l’organisme à partir du sang prélevé chez chacun des triplés, ainsi que chez les deux enfants d’un des triplés malades. Parmi eux, l’un a contracté Alzheimer à 50 ans et l’autre non.

Selon les scientifiques, les triplés ont développé Alzheimer tardivement en raison d’un gène spécifique lié à un risque plus élevé de la maladie, l'apolipoprotéine E4 (aussi appelée APOE4). Par ailleurs, même si les triplés étaient âgés de 85 ans au moment de l’étude, l’âge biologique de leurs cellules étaient de six à dix ans inférieur à leur âge réel. En revanche, l’enfant du triplé ayant développé Alzheimer à un âge précoce présentait un âge biologique de neuf ans supérieur à son âge chronologique. L’autre enfant “sain” du triplet malade présentait quant à lui un âge biologique proche de son âge réel. 

De l’espoir pour les personnes aux antécédents familiaux de démence    

“Ces résultats montrent que votre code génétique ne dicte pas si vous êtes assuré de développer la maladie d'Alzheimer, commente le docteur Morris Freedman, auteur principal de l'article, scientifique au Baycrest's Rotman Research Institute (Canada). Il y a de l'espoir pour les personnes qui ont de solides antécédents familiaux de démence, car il y a d'autres facteurs, qu'il s'agisse de l'environnement ou du mode de vie, nous ne savons pas ce que c'est, qui pourrait protéger contre la démence ou l'accélérer”, ajoute-t-il.

“La plus récente recherche en génétique révèle que l'ADN avec lequel nous mourons n'est pas nécessairement celui que nous avons reçu quand nous étions bébés, ce qui pourrait expliquer pourquoi deux des triplés ont développé la maladie d'Alzheimer et un ne l'a pas développée, renchérit le Dr Ekaterina Rogaeva, autrice principale de l’étude et chercheuse au Tanz Centre for Research in Neurodegenerative Diseases, à l'université de Toronto. En vieillissant, notre ADN vieillit avec nous et, par conséquent, certaines cellules peuvent muter et changer avec le temps”, précise-t-elle.

Qui plus est, d’autres facteurs chimiques et environnementaux peuvent influer sur la façon dont les gênes s’expriment, rappellent les chercheurs. Désormais, ces derniers s’intéressent à l’imagerie cérébrale de chaque membre de la famille afin de voir s’ils remarquent une abondance de plaques amyloïdes, des fragments de protéines typiques d'Alzheimer. Ils voudraient également mener des études plus poussées sur l’âge biologique des patients atteints d’Alzheimer afin de déterminer s’il influe sur le moment où la maladie se manifeste. Enfin, à terme, ils espèrent explorer davantage l’interaction entre la génétique et l’environnement dans le développement d’Alzheimer.

Une maladie de plus en plus présente dans le monde

Ces découvertes surviennent alors même que des chercheurs américains viennent de révéler avoir mis au point deux candidats-médicaments capables de bloquer le vieillissement cérébral lié à la démence. De son côté, le laboratoire Biogen a annoncé début décembre avoir réussi à faire diminuer 23% du déclin cognitif chez des malades traités au stade précoce d’Alzheimer avec son traitement expérimental, l’Aducanumab. Début 2020, l’entreprise demandera à la Food and Drug Administration, l'agence du médicament américaine, son autorisation sur le marché Outre-Atlantique. 

Des nouvelles bienvenues quand on sait que le nombre de personnes vivant avec Alzheimer dans le monde (48,6 millions à l’heure actuelle) devrait atteindre 74,7 millions en 2030 et 131,5 millions en 2050, notamment en raison du vieillissement de la population globale.