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Innovation

La révolution des ciseaux génétiques

Par Thierry Borsa

Découvert en 2012, le système appelé CRISPR-Cas9 qui permet d'isoler et de couper des séquences d'ADN offre l'espoir de corriger ou supprimer, dans un avenir que certains voient proche, des désordres génétiques responsables de maladies. 

CIPhotos/iStock

C'est une révolution qui se prépare. Plus de 15 ans après le décodage du génome humain, on dispose aujourd'hui d'un outil qui pourrait permettre de cibler un gène, de l'éliminer, de le corriger ou de le remplacer. Perspective à la fois enthousiasmante et effrayante: cette technique est en effet une porte ouverte vers le transhumanisme, c'est-à-dire la transformation à l'aide des connaissances scientifiques et techniques des capacités physiques et mentales des êtres humains.

Cet outil porte d'ailleurs un nom digne de la science-fiction : CRISPR-Cas9. Il permet de couper une séquence de l'ADN, de la supprimer ou de la modifier avant de la réimplanter. C'est le principe du copier-coller qui autorise une réécriture du génome ! Les applications humaines permettraient du traiter en même temps les causes et les effets dans de nombreuses maladies liées à la génétique, les affections mentales, hématologiques et évidemment les cancers. 

Un encadrement législatif pas encore défini

Mais il faut évidemment aujourd'hui n'en parler qu'au conditionnel : ces techniques sur lesquelles les travaux de recherche se multiplient ne sont pas encore utilisables sur l'homme puisqu'elles exigent un encadrement législatif qui n'a pas encore été défini.

L'histoire de CRISPR-Cas9 a débuté par la recherche sur les bactéries. C'est un chercheur de l'université d'Osaka qui a repéré dans le génome d'Escherichia Coli des séquences d'ADN un peu particulières pouvant se lire dans les deux sens et formant ainsi des palindromes qui, dans un premier temps n'ont intéressé personne ... Jusqu'à ce que l'on découvre en 2005 que les morceaux d'ADN intercalés entre ces palindromes étaient des morceaux d'ADN de virus capables d'infecter des bactéries, les bactéries semblant garder en mémoire dans leurs séquences CRISPR l'ADN des virus les ayant infectées, ce qui permet de les repérer et de les combattre. Des recherches ultérieures ont démontré que, dans la bactérie, si un ARN viral CRISPR associé à la protéine Cas9 croise un virus à l'ADN correspondant, il s'apparie à cet ADN et qu'une fois cet accrochage effectué, la protéine C9 élimine le virus en découpant les deux brins de son ADN. 

C'est cette étape qui a permis en 2012 de montrer que le système CRISPR-Cas9 permettait à la fois de repérer une séquence d'ADN et de la couper avec précision : la technique des ciseaux génétiques était née !

Des limites en matière de précision et d'efficacité

Alors que cette technique est assez largement utilisée en agronomie pour améliorer les espèces cultivées ou les animaux d'élevage, son application sur les humains se heurte encore à plusieurs obstacles. Ethiques, d'abord, mais aussi liés aux limites de CRISPR-Cas9 en matière de précision et d'efficacité.

Il sera d'abord nécessaire de passer la barrière des anticorps puisqu'une proportion évaluée entre 65 à 79% de la population posséderait des anticorps contre les protéines de type CRISPR-Cas9 et que les globules blancs de près d'un humain sur deux seraient spécifiquement dirigés contre ces protéines. Par ailleurs, si l'on sait cibler un gène spécifique avec CRIPR-Cas9, on ignore si son utilisation sur cette cible ne pourrait pas entraîner d'autres modifications non désirées en d'autre endroits du génome, ce que l'on appelle les modifications “hors cible”. C'est ce qui s 'était produit en 2015 lorsqu'une équipe de généticiens chinois avait modifié des embryons humains pour supprimer le gène d'une maladie du sang.

Une fois ces limites dépassées, les scientifiques s'accordent toutefois pour dire que l'on devrait voir apparaître les applications humaines d'ici à quelques années. Elles offrent en effet des perspectives telles que le prélèvement de cellules, leur modification extra-corporelle et leur réintégration dans l'organisme pour prévenir ou corriger les désordres génétiques qui sont à l'origine de certaines maladies ou mieux évaluer des traitements.