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Plan gouvernemental

Pourquoi le sport fait reculer la dépendance chez les séniors

Par Melanie Gomez avec Cécile Coumau

L'activité physique est bénéfique à tout âge, même chez une personne déjà dépendante. Le gouvernement cherche les solutions pour inciter les séniors à faire du sport.

GILE MICHEL/SIPA

Alain Mimoun n’a jamais cessé de courir. Le champion olympique du marathon en 1956 vient de mourir à 92 ans, mais à 90 ans, il faisait encore une heure de jogging par jour. Manifestement, le sport, ça conserve et pourtant, bien souvent, à partir de 60 ans, la motivation pour faire du sport chute. Le gouvernement a donc décidé de faire bouger tous les séniors. Le 3 juillet, Valérie Fourneyron et Michèle Delaunay, respectivement ministre des sports et des personnes âgées, ont donné le coup de sifflet de démarrage du groupe de travail « Activités physiques et sportives pour les séniors ». Les règles du jeu sont claires : médecins, sportifs, directeurs de maisons de retraite, éducateurs sportifs, ou encore mutuelles doivent trouver des moyens de lutter contre cette perte d’envie de faire du sport. L’enjeu est majeur puisqu’en 2040, un tiers de la population française aura plus de 60 ans.


Bien sûr, ce groupe de travail n’est pas le premier à plancher sur cette question. Plusieurs plans gouvernementaux ont déjà fait la promotion de l’activité physique chez les séniors. Le plan « Bien vieillir 2007-2009 » a par exemple déjà préconisé que les fédérations sportives s’adressant aux séniors bénéficient d’un soutien financier. Le Programme national nutrition santé a lui édité des guides pour les plus de 55 ans avec des recommandations d’activité physique. Mais, certains acteurs sont déjà passés à l’acte. C’est notamment le cas de la Bretagne, qui est un peu la région modèle. Pas moins de 50 établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes emploient des éducateurs sportifs, trente « Parcours d’activités santé séniors » (P.A.S.S.) ont été créés. Le parcours santé, c’est une suite de 10 exercices qui vont, chacun solliciter et stimuler différemment les capacités physiques et cognitives de la personne âgée. Au centre du parcours santé, un jardin des cinq sens permet d’activer et de stimuler chacun des sens. Et l’ensemble des activités est mené sous le contrôle d’un éducateur sportif spécifiquement formé à l’entraînement de ce public.


Les résidents des maisons de retraite
font les JO
Le docteur Michel Tregaro, médecin à la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale de Bretagne, qui est à l’origine des PASS, fait aussi figure de pionnier avec ses Jeux Olympiques des maisons de retraite. Depuis cinq ans déjà, les EHPAD qui ont recruté un éducateur sportif participent à des olympiades très spéciales. Au programme : basket, javelot, mais aussi pétanque ou encore jeu mémory. La dernière édition a réuni 36 Ehpad et 360 résidents. Le plus jeune concurrent avait 85 ans, le plus âgé 104 ans.


Ecoutez le Dr Michel Tregaro, médecin à la direction régionale de la jeunesse, des sports de Bretagne : « Quel que soit l'âge, la personne garde l'esprit de compétition. Et ils font toutes sortes d'épreuve. Ils ont même eu une initiation à la boxe ».


Et l’Observatoire de la santé de Bretagne a déjà mesuré les effets bénéfiques du développement de l’activité physique chez ces résidents : le nombre de chutes et de fractures a diminué, la liste des médicaments s’est un peu allégé, le recours à des soins de kinésithérapie est moins fréquent… Autant de facteurs qui témoignent d’une plus grande autonomie des personnes âgées.


Les performances bretonnes ne sont pas passées inaperçues. La ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie, Michèle Delaunay, a fait un déplacement en mai dernier, en Bretagne, pour inaugurer un « Parcours d’activité santé séniors ». L’initiative du Dr Tregaro devrait donc faire école. D’autant que les preuves scientifiques des bénéfices de l’exercice physique chez les séniors ne manquent pas. Le premier organe à mieux se porter est le cœur. Avec le vieillissement, les vaisseaux ont une moins bonne capacité d’ouverture, ils apportent donc moins bien le sang et tous les composants tels que l’oxygène et sucre dont les muscles ont besoin. C’est en faisant du sport que l’on redonne aux vaisseaux la capacité de bien se dilater. « Et ce qui est le plus bénéfique, ce sont les activités qui mettent en jeu des masses musculaires importantes, comme la marche, le vélo ou encore la marche nordique, explique le Pr François Carré, cardiologue du sport au CHU de Ponchaillou à Rennes.


Ecoutez le Pr François Carré, cardiologue du sport au CHU de Rennes : « Il faut que la personne âgée fasse de la musculation une fois par semaine parce qu'il faut pouvoir porter son sac de commission.»


 

Retarder la dépendance plutôt qu'allonger l'espérance de vie
La liste des bienfaits de l’activité physique est en fait très longue : le sport améliore les capacités respiratoires, la force musculaire, le sommeil, aide à prévenir l’ostéoporose, la dépression, etc. Peut-on dire pour autant que c’est un moyen d’allonger l’espérance de vie ? « Les résultats des études les plus récentes semblent aller dans ce sens mais n’est-il pas plus raisonnable d’envisager que le principal but de la pratique régulière d’exercices physiques soit «d’ajouter de la vie aux années plutôt que des années à la vie, en d’autres termes de retarder la dépendance », écrivait Daniel Rivière, chef du service de la médecine du sport, au CHU de Toulouse, et Président du groupe de travail mis en place par le gouvernement, dans la revue du Haut comité de santé publique.


Bien sûr, démarrer une activité physique à 70 ans ne fait pas des miracles et ne compense pas des années de sédentarité. Mais, tous les médecins du sport l’affirment : quel que soit l’âge auquel on commence, l’activité physique porte ses fruits. Et même l’adrénaline de la victoire est à portée de main. A 100 ans, un Français a remporté en septembre 2012 le record du cycliste centenaire le plus rapide du monde sur 100 km avec une moyenne de plus de 23 kilomètres par heure. Pour François Carré, « à cet âge, le plus impressionnant, c’est qu’il ait réussi à faire des tours et des tours sur une piste de vélo sans tomber. »