ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Sida : les experts déplorent un manque de stratégie au niveau mondial

Inquiétudes

Sida : les experts déplorent un manque de stratégie au niveau mondial

Par Raphaëlle de Tappie

Alors que la conférence mondiale sur le sida se tient du 21 au 24 juillet à Mexico, les experts s'inquiètent de l'absence de stratégie au niveau mondial.

Nito100/iStock

"L’épidémie de sida est à un moment critique". Tel est le message inquiet du rédacteur en chef de la revue scientifique The Lancet. Dans un éditorial publié dimanche 21 juillet à l’ouverture de la conférence mondiale IAS sur le VIH qui se tiendra jusqu’au 24 juillet à Mexico (Mexique), Richard Horton s’alarme de l’absence de leadership mondial sur le sujet et des menaces portées contre l’Onusida. Non seulement ce Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida n’a plus de directeur depuis le mois de mai mais en plus de nombreuses personnes réclament sa disparition en l’intégrant à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). François Dabis, directeur de l’Agence nationale de recherche contre le sida (ANRS), partage ces inquiétudes.

"Au niveau mondial, il n’y a plus de gouvernance (…) Jamais nous n’avons vécu cela lors d’un congrès mondial. Chacun se retrouve isolé. Comme si ce n’était plus une question majeure. C’est alarmant. Tout cela donne un sentiment d’incertitude élevé", explique-t-il à Libération.

Et si l’épidémie de sida a grandement diminué dans le monde ces dernières années, désormais les chiffres stagnent. D’après le rapport de l’Onusida paru début juillet, dans sa globalité, le nombre de nouvelles infections (1,7 millions) a beau avoir diminué de 16% par rapport à 2010, les chiffres de 2018 ne diffèrent pas de ceux de 2017. 

La PrEP, traitement de plus en plus populaire dans les pays occidentaux 

"Selon les dernières estimations, on est autour de 53 % de personnes vivant avec le VIH qui sont en situation de ne pas transmettre le virus. En somme, on n’a fait que la moitié du chemin", explique-t-il, très inquiet des disparités régionales. Car comme le montrait le dernier rapport de l’Onusida, l’Afrique australe a beau avoir fait beaucoup de progrès en la matière, certains pays d’Europe de l’Est, à l'inverse, régressent.

Mais il n’y a heureusement pas que des mauvaises nouvelles. Concernant les traitements, la PrEP, qui consiste à prendre un médicament anti-sida pour empêcher une contamination, fonctionne bien dans les pays occidentaux. "La reconnaissance internationale du modèle à la française avec une PrEP à la demande, c’est-à-dire non pas en continu mais lors d’une prise de risque, est validée (en France, la PrEP est disponible et remboursée depuis 2016, NDLR). Et puis, bien sûr, pour ce qui est de l’efficacité, il n’y a aucun signal négatif qui apparaît. Nous sommes proches de zéro contamination sous PrEP. Et les quelques rares cas d’infection sont liés à des mauvaises prises de traitement", explique François Dabis. En Australie, le nombre de contamination a diminué de 30% chez les homosexuels masculins, la population utilisant principalement la PrEP.

Pour ce qui est des vaccins, le cycle sur les grands essais, actuellement en cours en Afrique du Sud et australe devrait se terminer fin 2020. "Il faut espérer que ces essais donneront un signal meilleur que les essais réalisés en Thaïlande il y a dix ans, avec un taux d’efficacité de 20 % à 30 %. Mais on ne le saura que lors de la conférence mondiale en octobre 2020", conclut François Dabis.

37 millions de personnes infectées dans le monde 

Ce discours rejoint celui de nombre d’experts de la conférence mondiale sur le sida qui ont eux aussi validé l’intérêt de la PrEP. Pour la première fois cette année, même l’OMS a pris position en faveur de ce traitement préventif.

Seul bémol : le risque que la popularisation de ce médicament réduise l'utilisation du préservatif, qui reste indispensable. Car si grâce à ces comprimés on peut éviter le VIH, de nombreuses autres infections sexuellement transmissibles potentiellement dangereuses sont actuellement en augmentation, dont la Syphilis.  

D’après The Lancet, près de 37 millions de personnes vivent aujourd’hui avec le VIH dans le monde.