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La lotterie génétique

Cannabis : pourquoi certains s'amusent et d'autres stressent quand ils fument ?

Par Raphaëlle de Tappie

Alors que certains s'amusent quand ils fument du cannabis, d'autres souffrent d'épisodes paranoïaques. Cette différence de réaction serait due à des variations génétiques dans le cerveau.  

guruXOOX/iStock

Alors que de plus en plus de pays autorisent le cannabis à usage thérapeutiques et que certains tels l’Uruguay, les Pays-Bas, les Etats-Unis (certains Etats seulement) ou encore le Canada l’ont même autorisé à usage récréatif, les mécanismes cérébraux en action quand on consomme de la marijuana sont encore mal connus. Une étude parue le 5 juillet dans la revue Scientific Reports a toutefois réussi à comprendre pourquoi certains s’amusaient quand ils fumaient tandis que d’autres vivaient au contraire des épisodes de paranoïa et de stress extrêmes. D’après les chercheurs, des variations génétiques dans une partie du cerveau appelée noyau accumbens, qui joue un rôle central dans le circuit des récompenses, seraient en cause.  

Pour en arriver à cette conclusion, chercheurs de l’Ecole de Médecine et Dentaire Schulich au Canada ont administré du THC, le composé psychoactif de la marijuana, à des rats et ont enregistré leur comportement et leur activité cérébrale dans le noyau accumbens, un complexe régional responsable du circuit de récompense. Cette région implique deux neurotransmetteurs : la dopamine (désir) et la sérotonine (sasiété et inhibition).

Des différences probablement dues à des variations génétiques  

Quand le THC est activé dans la partie frontale de cette zone, cela encourage les comportements addictifs de la même façon que les opioïdes de type morphine et l’expérience est formidable. En revanche, quand le THC interragit avec la zone postérieure du noyau accumbens, les symptômes émotionnels s’apparentent à ceux observés chez les schizophrènes, notent les chercheurs.  Ces derniers ont donc identifié une région dans le cerveau des rats qui semble "indépendamment contrôler les propriétés addictives du cannabis contre les effets psychiatriques négatifs qui lui sont associés".

"Jusqu’à présent, nous ignorions quelles zones cérébrales étaient responsables de cette différence d’effets provoqués par la marijuana", se félicite le Professeur Steven Laviolette qui a conduit l’étude. "Ces découvertes sont importantes parce qu’elles expliquent pourquoi certains ont une expérience très positive de la marijuana quand d’autres en une très négative", renchérit Christopher Norris, co-auteur du papier. "Nos données indiquent que c’est parce que la récompense et l’aversion sont produites par des zones anatomiquement distinctes. Les différents effets selon les individus sont probablement dus à des variations génétiques entraînant une sensibilité différente de chaque zone".

Ces recherches interviennent à l’heure où la France est en plein débat sur la légalisation du cannabis à usage thérapeutique.

La possibilité d’une filière chanvre thérapeutique dans la Creuse

Il y a quelques mois, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) s’est déclarée favorable à usage du cannabis à visée thérapeutique à l’unique condition qu’il soit réservé aux "patients dans certaines situations cliniques et en cas de soulagement insuffisant ou d'une mauvaise tolérance des thérapeutiques, médicamenteuses ou non, accessibles (et notamment des spécialités à base de cannabis ou de cannabinoïdes disponibles)".

En avril, lors d’un déplacement en Creuse, le Premier ministre Edouard Philippe a remis le sujet sur la table. "Il y a beaucoup de pays qui travaillent là-dessus, beaucoup de pays qui le permettent. Il serait absurde de ne pas se poser la question et c’est dans cet esprit que nous voulons travailler avec les porteurs du projet", a-t-il déclaré en référence à la possibilité de créer une "filière chanvre thérapeutique" porté par Éric Corréia, infirmier anesthésiste formé à la prise en charge des douleurs. "Il ne s’agit pas du tout de mettre en péril la santé publique (...) Nous souhaitons effectuer les choses de façon très encadrée", avait-il poursuivi. 

Puis, en mai, un collectif de patients nommé Espoirs (im)patients s’est formé pour réclamer cette fameuse légalisation afin de ne plus avoir à se fournir à l’étranger ou sur le marché noir. Le collectif demande également que "la possibilité de prescrire de tels traitements n’incombe pas seulement aux médecins spécialisés afin de permettre une pleine accessibilité des patients". Vingt-cinq associations ont déjà prévu d'adhérer au collectif.