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Le Canada légalise le cannabis comestible : quels impacts sur la santé ?

Par Raphaëlle de Tappie

A partir du mois de décembre, la vente de produits comestibles à base de cannabis sera autorisée au Canada. 

HighGradeRoots/iStock

Alors que la France réfléchit à la légalisation du cannabis à usage thérapeutique, quelques pays tels que l’Uruguay, les Pays-Bas, les Etats-Unis ou encore le Canada l’autorisent même à usage récréatif. Le gouvernement canadien a d’ailleurs annoncé la légalisation de la vente de produits comestibles à base de cannabis à partir de décembre. Ils seront accessibles en ligne et en magasin.

Toutefois, afin de limiter l’attractivité de ces produits auprès des jeunes, les autorités obligent les commerçants à adopter des emballages neutres et difficiles à ouvrir et interdira certains ingrédients, colorants et parfums. Par ailleurs, le cannabis sera interdit dans les produits pouvant plaire aux enfants tels que les bonbons et les sucettes. Qui plus est, les producteurs et distributeurs ne pourront pas mettre en avant d’éventuels bienfaits pour la santé ou ajouter le cannabis à des boissons alcoolisées.

"La réglementation modifiée est la prochaine étape visant à réduire les risques pour la santé et la sécurité publique associés au cannabis comestible, aux extraits de cannabis et au cannabis (à usage dermatologique, NDLR) et à supplanter le marché illégal de ces produits au Canada", précise Bill Blair, ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé dans un communiqué.

Les effets du cannabis ingéré beaucoup plus forts que ceux du cannabis fumé

Ainsi, les aliments ou boissons contenant du cannabis ne pourront pas contenir plus de 10 milligrammes de THC, la principale substance psychoactive de la plante. Concernant les extraits de cannabis et les produits à usage dermatologique, la dose maximale pourra atteindre 1000 milligrammes par emballage.

Malgré tout, les autorités sanitaires canadiennes recommandent aux nouveaux consommateurs (depuis la légalisation du cannabis à usage récréatif en octobre dernier, 600 000 Canadiens ont essayé pour la première fois) de ne pas consommer d’aliments ou boissons avec plus de 2,5 milligrammes de THC.

Car rappelons que les effets du cannabis ingéré sont beaucoup plus forts que ceux du cannabis fumé et peut facilement rendre malade les personnes qui n’y sont pas préparées. Quand vous inhalez du cannabis sous forme de fumée ou de vapeur, les composants sont absorbés directement dans le sang à travers les poumons, ce qui empêche le THC de passer par le foie et le dirige directement vers le cerveau, d’où un effet instantané mais moins puissant. En revanche, quand vous ingérez du cannabis dans un aliment ou une boisson, ce dernier passe par le système digestif. Pendant le processus d’absorption, le THC traverse le foie où il est converti en une forme plus puissante. Ainsi, la forme normale du THC, le delta-9, se transforme en 11-hydroxy-THC, qui traverse la barrière hémato-encéphalique avec beaucoup plus de force.

Qui plus est, une personne qui ingère du cannabis peut avoir des comportements plus à risques qu'une qui en fume. "Lorsque vous le mangez (le cannabis NDLR), ça prend au moins une heure. Un cas typique est quelqu’un habitué à fumer qui mange un premier brownie et, ne sentant rien, en mange un autre, puis un autre, et quand subitement l’effet survient, la personne se trouve en état de surdose", expliquait Ian Culbert, le directeur de l’Association canadienne de santé publique (ACSP), aux médias en 2017.

Malgré tout, les experts recommandent de privilégier le cannabis sous forme comestible plutôt que de le fumer. "Idéalement, vous devriez éviter complètement la combustion du produit et préférer les produits comestibles ou les autres formes de consommation", indiquait ainsi Ian Culbert. 

Plus de 9 Français sur 10 en faveur de l’autorisation du cannabis "thérapeutique" dans l’Hexagone

En France, c’est la légalisation du cannabis à usage thérapeutique qui fait actuellement débat. Il y a quelques mois, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) s’est déclarée favorable à usage du cannabis à visée thérapeutique à l’unique condition qu’il soit réservé aux "patients dans certaines situations cliniques et en cas de soulagement insuffisant ou d'une mauvaise tolérance des thérapeutiques, médicamenteuses ou non, accessibles (et notamment des spécialités à base de cannabis ou de cannabinoïdes disponibles)".

Puis, lors d’un déplacement en Creuse en avril, le Premier ministre Edouard Philippe a déclaré qu’il serait "absurde" de s’interdire d’y réfléchir. "Il y a beaucoup de pays qui travaillent là-dessus, beaucoup de pays qui le permettent. Il serait absurde de ne pas se poser la question et c’est dans cet esprit que nous voulons travailler avec les porteurs du projet", a-t-il ainsi dit devant les élus locaux. Car la Creuse prévoit éventuellement de créer une "filière chanvre thérapeutique", portée par le président du Grand Guéret Éric Corréia, également infirmier anesthésiste formé à la prise en charge des douleurs.

Un projet sans doute approuvé par de nombreux Français puisque, d’après un sondage réalisé récemment par l’OFDT (Observatoire français des drogues et toxicomanies), plus de 9 personnes sur 10 sont favorables à l’autorisation du cannabis "thérapeutique" pour traiter certaines maladies. Et si 54% des sondés sont opposés à la légalisation de cette drogue, quand on les interroge sur un modèle de régulation, 61% se disent en faveur de sa vente libre.