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Approche expérimentale

Diabète de type 1 : implanter les cellules sécrétrices d’insuline dans l’œil

Par Charlotte Arce

Des travaux américains mettent en lumière une nouvelle approche pour le traitement du diabète de type 1 : la transplantation dans l’œil de cellules pancréatiques productrices d’insuline. Cette technique permettrait non seulement d’éviter une immunosuppression continue, mais pourrait même conduire à une tolérance immunitaire périphérique à long terme dans d’autres sites de transplantation.

smirart/iStock

Des chercheurs de l'Institut de recherche sur le diabète (DRI) de la Miller School of Medicine de l’Université de Miami ont peut-être trouvé un moyen de parvenir à une tolérance immunitaire aux cellules du pancréas productrices d’insuline dans le traitement du diabète de type 1 : les transplanter dans l’œil.

Dans un article publié en ligne dans la revue Diabetologia, le journal de l’Association européenne pour l’étude du diabète (EASD), les chercheurs expliquent que la transplantation d’îlots de Langerhans dans l’œil permettrait d’éviter un traitement immunosuppresseur. Par ailleurs, ces greffes initiales d’îlots dans l’œil du receveur entraînerait chez le receveur une tolérance immune périphérique durable en cas d’autre greffe.

Une transplantation dans la chambre antérieure de l'oeil

Aussi appelé diabète insulinodépendant (DID), le diabète de type 1 est une maladie auto-immune caractérisée par un excès de sucre dans le sang. Cette hyperglycémie est due à l'arrêt de la production de l'insuline, une hormone sécrétée par les cellules îlots pancréatiques appelées îlots de Langerhans. Dans le cas du diabète de type 1, ces cellules productrices d’insuline ont été détruites par erreur par le système immunitaire, ce qui oblige les patients à gérer leur glycémie par un traitement quotidien à l’insuline.

Comme l’indiquent les chercheurs, la transplantation d'îlots de Langerhans permet de rétablir la production naturelle d'insuline chez les personnes atteintes de diabète de type 1. Cependant, ces patients transplantés doivent aussi en contrepartie recevoir un traitement immunosuppresseur à vie pour prévenir le rejet de ces cellules donneuses. Non seulement l'utilisation prolongée de médicaments anti-rejet entraîne des effets secondaires graves, mais l'attaque immunitaire contre les îlots de Langerhans transplantés peut encore se produire malgré le traitement. Trouver un moyen de réduire ou d’éliminer la nécessité d’un traitement immunosuppresseur est donc l’un des principaux défis de la recherche sur le diabète de type 1.

Implantation dans la chambre antérieure de l'œil

Les chercheurs de la présente étude ont transplanté des îlots dans la chambre antérieure de l'œil de receveurs expérimentaux et précliniques non-humains. Un autre groupe a reçu des îlots implantés dans le rein. Les deux groupes ont été traités de façon transitoire avec des anticorps bloquants anti-CD154/CD40L pendant la période de la transplantation. Cet anticorps empêche l'interaction entre certaines molécules (CD40-CD40L) à la surface des cellules du système immunitaire qui jouent un rôle clé dans le rejet des greffes. Les chercheurs se sont particulièrement intéressés à cette voie immunitaire parce qu'elle est particulièrement prometteuse pour la transplantation d'îlots de Langerhans.

Après avoir effectué les premières transplantations et administré le traitement aux anticorps, l'équipe a ensuite transplanté d'autres îlots de Langerhans dans le rein du groupe expérimental de receveurs pour évaluer tout effet potentiel sur la tolérance immunitaire dans un autre site du corps.

70% des receveurs ont survécu 400 jours sans immunosuppression continue

Dans les deux groupes de receveurs - ceux qui ont reçu une première greffe d'îlots de Langerhans dans l'œil ou le rein, ainsi que le traitement à court terme avec l'anticorps anti-CD154 - les résultats ont montré une survie sans immunosuppression pendant plus de 300 jours. C’est particulièrement le cas pour le groupe ayant initialement reçu une greffe d'îlots pancréatiques dans l'œil : plus de 70 % des receveurs ont survécu à la deuxième greffe dans le rein pendant plus de 400 jours sans immunosuppression continue.

A titre de comparaison, seuls 30% de ceux ayant reçu des îlots dans le rein ont survécu plus de 400 jours sans immunosuppression continue. D'autres études dans le modèle préclinique ont montré une réduction de la réactivité immunitaire spécifique du donneur dans le sang, ce qui correspond à une tolérance immunitaire périphérique induite.

"Les résultats préliminaires de ces modèles d'étude du diabète démontrent l'établissement d'une tolérance immunitaire à l'égard des îlots transplantés et leur protection à long terme contre les attaques immunitaires longtemps après l'arrêt du traitement anti-rejet. D'autres essais chez des sujets humains sont nécessaires pour valider cette approche chez les personnes atteintes de diabète de type 1", explique le Dr Midhat Abdulreda, professeur adjoint de chirurgie à la DRI.

"Cette approche pourrait avoir un impact positif sur le succès de la transplantation d'îlots de Langerhans pour le traitement futur du diabète", conclut le Dr Per-Olof Berggren, co-auteur des travaux.