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Grand Débat National

Accouchement : l’allongement des temps d’accès aux maternités est-il risqué ?

Par le Dr Jean-Paul Marre

Une maternité sur trois a fermé en France entre 1996 et 2016. Un choix sécuritaire entamé en 1972 mais qui a conduit à des allongements très important des temps d’accès à une maternité, surtout dans certaines régions françaises. La question de la sécurité se pose.

kieferpix/istock

167 000 femmes en âge de procréer habitent à au moins 45 minutes de la maternité la plus proche, selon la nouvelle étude de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques). De plus, près de 1,6 million de femmes âgées de 15 à 49 ans résident dans une commune qui est sous-dense en sages-femmes. Au total, 1,5% de la population rencontre ces deux difficultés, et cette proportion s’élève à 5,4% de la population en retenant le seuil à 30 minutes.

Ce constat est le résultat de 40 ans de fermeture des maternités de proximité, qu’elles soient publiques ou privées. Un choix politique amorcé en 1972 par le décret Dienech et amplifié en 1998 par les décrets périnatalité. De 1747 en 1972, le nombre de maternités en France a chuté à 517 en 2016. Une réduction drastique qui s’est accompagné de quelques accouchements sur la route, plus spectaculaires que dramatiques, mais qui imposent de se poser la question des risques liés à ces éloignements des maternités pour une part non négligeable de la population française.

L’allongement des temps de trajets est-il risqué ?

Globalement le temps nécessaire pour aller à une maternité ne se serait pas allongé de façon démesurée au cours des années 2000, mais ce bilan général masque des disparités importantes avec les zones où les maternités sont très peu nombreuses et où la fermeture de l’une d’elles peut complètement bouleverser l’accessibilité aux soins pour de nombreuses femmes.

Ainsi, au plan général, on ne trouve pas de relation entre la distance d’accès à la maternité la plus proche et les complications chez la mère et l’enfant. Cependant, cela n’est pas forcément vrai dans certaines zones limitées où les conditions météorologiques peuvent nettement compliquer l’accès à certains moments de l’année.

De réels problèmes dans certaines régions

En 2013, une étude réalisée en Bourgogne a analysé l’impact du temps de trajet du domicile à la maternité la plus proche sur les indicateurs de périnatalité. Pour des temps supérieurs à 45 minutes, les taux bruts de morti-natalité y passeraient de 0,46% à 0,86% et ceux de la mortalité périnatale de 0,64% à 1,07%.

Ces résultats montrent que, dans certaines zones, probablement comme le Morvan, la durée du trajet à la maternité la plus proche a un impact sur la santé périnatale (morbidité maternelle, mortalité néonatale et naissances mort-nées). Les conclusions de l’étude de l’INSERM, qui a été réalisée au plan national, sont donc assez prudentes : pas d’aggravation apparente de la mortalité périnatale liée à la distance, mais des situations particulières qui concernent un très petit nombre de naissances et pour lesquelles il est difficile d’avoir des résultats fiables. Ces situations doivent se régler au cas par cas et c’est le rôle des Agences Régionales de Santé.

Une disparité surtout sociale

Avec la distance de plus en plus élevée pour aller dans une maternité, il existe incontestablement un stress supplémentaire pour les parents. Mais, en réalité, la plupart des études qui montrent des différences voient celles-ci s’estomper quand on les rapporte au statut socio-économique.

Ainsi, pour la distance à la maternité, ce sont surtout les conditions de précarité sociale (mère célibataire, populations immigrées, chômage, faibles revenus…) qui compliquent la donne.

Par exemple, en cas de grossesses à risque, il est parfaitement possible d’anticiper l’accouchement lorsque l’on est dans une région isolée et faire comme les femmes qui vivent sur les îles : elles se rapprochent de la maternité le mois précédant l’accouchement.

Malheureusement, si cela semble simple pour les personnes qui ont de la famille au voisinage des maternités ou qui en ont les moyens financiers, c’est beaucoup plus compliqué pour les mères avec de faibles revenus et qui n’ont pas de familles ou de relation proche d’une maternité et susceptible de les héberger pendant les jours précédant l’accouchement.

Bien analyser les chiffres

Il y a clairement des déserts médicaux dans des zones géographiques, certes assez restreintes, mais pour lesquelles il faut proposer des solutions correctrices car elles concernent près de 170 000 femmes en âge d’avoir un bébé.

Le mouvement de restructuration des maternités n’est pas propre à la France. C’est un mouvement général mais la France est beaucoup plus vaste que les Pays-Bas ou le Danemark, avec des zones circonscrites où les populations sont parfois très isolées. Inutile de vouloir y appliquer les mêmes solutions.

Même si la répartition des maternités semble désormais répondre aux objectifs qui présidaient aux décrets de 1998 et être proche des besoins de la population, ce constat est faussement rassurant par rapport à la réalité dans certaines zones où la sécurité des naissances  semble demeurer imparfaite

Cet article, fruit de quelques interviews et de l’analyse de la littérature sur le sujet, vise à exposer les données actuellement disponibles et fait partie d’une série de 3 articles pour documenter le Grand Débat National