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Innovation

Un nouveau somnifère qui permet au cerveau de rester alerte en cas de danger

Par Raphaëlle de Tappie

Des chercheurs japonais ont réussi à mettre au point sur des souris un somnifère permettant au cerveau de rester alerte en cas de danger pendant le sommeil. 

Zinkevych/iStock

Chacun le sait, lors d’une insomnie, il arrive que la seule solution soit de prendre un somnifère. Toutefois, si celui-ci nous endort, il arrive qu’il nous assomme au point que nous ne réveillerons pas si notre immeuble prend feu, ce qui peut être assez dangereux, on en conviendra. C’est pourquoi, des chercheurs japonais mis au point sur des souris, DORA-22, un somnifère capable de nous endormir sans affecter nos capacités sensorielles en cas de menace. Les résultats de ces recherches ont été publiés cette semaine dans la revue in Frontiers in Behavioral Neuroscience.

Quand nous dormons naturellement, le cerveau continue à traiter les informations sensorielles, nous réveillant quand il détecte une menace. Toutefois, les somnifères les plus courants, qui appartiennent à la famille des benzodiazépines, ont tendance à annihiler cette faculté cérébrale. "Les benzodiazépines stimulent le récepteur cérébral répandu GABA-A, ce qui nous rend somnolents, mais supprime également les zones cérébrales non ciblées, y compris le 'gardien' qui détermine les entrées sensorielles à traiter", explique Tomoyuki Kuwaki, professeur à l'université de Kagoshima et auteur principal de l’étude. Par ailleurs, ces somnifères sont si lourds qu’au matin, nous sommes le plus souvent dans le gaz et incapables de conduire.

Afin de lutter contre cet effet "gueule de bois", des chercheurs ont passé la dernière décennie à développer une nouvelle famille de somnifères appelée antagonistes des récepteurs de l'orexine double (DORA) qui cible bien plus efficacement les voies liées au sommeil dans le cerveau qu’un somnifère classique.   

Des résultats très prometteurs  

Kuwaki et ses collègues ont donc eu l’idée de se servir de cette nouvelle famille de somnifères pour mettre au point une pilule qui pourrait permettre au cerveau de rester alerte en cas de danger pendant le sommeil. Ils ont créé DORA-22 qu’ils ont testé sur des souris réparties en trois groupes. Ils ont administré leur somnifère au premier groupe, donné du Triazolam, une pilule classique de la famille des benzodiazepine, au deuxième et un placébo au troisième. Les deux premiers groupes se sont endormis tout aussi rapidement, leur durée de sommeil allongée était de 30 à 40% comparé au dernier.

Puis, une à quatre heures après, les souris dormantes ont été confrontées à différents stimulus : l’odeur d’un renard, un bruit suraigu, ou un tremblement de leur cage similaire à un tremblement de terre (pas un hasard quand on sait à quel point le Japon est exposé aux séismes). "Comme on s’y attendait, la réponse à ces menaces a été très retardée par le traitement par Triazolam, mais pas chez les souris qui avaient pris du DORA-22", raconte le professeur Kuwaki.  

Encore mieux, les effets d’endormissement du DORA-22 sont restés après le réveil soudain. "Bien que les souris sous DORA-22 se soient réveillées rapidement à l’approche d’une menace, elles se sont rendormies aussi rapidement que celles sous Triazolam et bien plus vite que celles sous placébo", développe le chercheur. Et de conclure : "S'il reste à savoir si DORA a les mêmes propriétés sur des humains, notre étude a donné des résultats prometteurs".

Les somnifères classiques ont des effets délétères sur la mémoire

En attendant, la consommation de benzodiazépines ne cesse d’augmenter en France. A l’heure actuelle, 10 millions de Français consommeraient des somnifères de cette famille. Or, outre l’aspect gueule de bois pointé ci-dessus et l’incapacité à se réveiller en cas de danger quand on en prend, ces pilules auraient également de nombreux effets délétères sur l’organisme.

En novembre, le magazine 60 Millions de consommateurs alertait notamment sur "des envies suicidaires et des risques d’hétéro-agressivité, à savoir des risques d’agressivité envers autrui" chez les consommateurs de Tilnox, Imovane et Zolpidem. Par ailleurs, d’après une étude publiée en 2017 dans la revue Science, les somnifères perturberaient la plasticité cérébrale permettant la formation de nos souvenirs pendant le sommeil. Deux ans auparavant, des chercheurs de l’Inserm avaient déjà associé les benzodiazépines de demi-vie longue (qui restent plus longtemps dans le corps) à une augmentation du risque de développer Alzheimer.