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Lettre ouverte

Des médecins demandent à Agnès Buzyn d'augmenter les taxes sur l'alcool

Par Raphaëlle de Tappie

Dans une lettre ouverte adressée à la ministre de la Santé et rendue publique ce jeudi 11 octobre, des spécialistes militent en faveur d'une hausse des mesures fiscales sur l'alcool pour lutter contre les addictions aux substances psychoactives.

KatarzynaBialasiewicz/iStock

"Le grand absent du financement". C’est ainsi que les médecins décrivent l’alcool dans le plan de lutte contre les addictions aux substances psychoactives présenté par la ministre de la Santé dans le cadre du projet du budget de la Sécurité sociale pour 2019. Dans une lettre adressée à Agnès Buzyn et rendue publique ce jeudi 11 octobre, neuf médecins de renom tels que l’épidémiologiste Catherine Hill, les professeurs Amine Benyamina (psychiatrie, addictologie), Gérard Dubois (santé publique), ou encore le président et vice-président de l’Association nationale de prévention en Alcoologie et addictologie (Anpaa) Nicolas Simon et Bernard Basse se plaignent du manque de mesures fiscales contre l’alcool.

La prévention gouvernementale en matière d’alcool se limite à une "discussion picrocholine", sur la taille en millimètres du pictogramme "interdit aux femmes enceintes", déplorent les spécialistes dans la missive intitulée Madame la ministre, protégez les Français de l’alcool. "Les excellents résultats obtenus en matière de lutte contre le tabac (1 million de fumeurs en moins en un an) grâce à la hausse du prix du tabac, montrent pourtant la voie à suivre car ils confirment l’efficacité des mesures de taxation et de contrôle du marketing", notent-ils.

Le projet de financement de la Sécu prévoit de faire bénéficier son Fonds de lutte contre les addictions liées aux substances psychoactives à de nouvelles ressources "correspondant au produit des amendes forfaitaires sanctionnant la consommation de cannabis". Mais si elle semble impressionnante, cette augmentation de 10 millions d’euros "relève d’un effet d’annonce sans commune mesure avec la dimension du problème" de l’alcool en France, assurent les signataires de la lettre.

L'alcool, première cause de retard mental évitable de l'enfant 

En effet, l’alcool est directement responsable de 49 000 morts par an, rappellent-ils. Il s’agit de la deuxième cause de cancer, de la première cause de mortalité chez les 15-30 ans et de la première cause de démence précoce. L’alcool est par ailleurs la première cause de retard mental évitable de l’enfant (né d’une femme qui buvait pendant sa grossesse) et est impliqué dans plus de la moitié des violences faites aux femmes, notent-ils.

"L’alcool ne doit pas rester l’éternel trou noir des politiques de prévention de la consommation de produits psychoactifs. Aucun Français ne doute de la puissance de lobbys qui parviennent à museler l’action politique dans le domaine de l’alcool, sujet d’intérêt général qui ligue contre lui le plus grand nombre d’intérêts particuliers", s’insurgent-ils.

C’est pourquoi, "sans attendre", la Loi de financement de la Sécurité Sociale doit intégrer dès 2019 "une taxe sur les boissons alcoolisées en fonction du gramme d’alcool pur pour financer les soins" et "une taxe sur les dépenses de publicité – y compris sur Internet – pour financer la prévention", concluent-ils.

Le 25 septembre, le gouvernement a présenté son budget de la sécurité sociale pour 2019, annonçant pour la première fois depuis de 2001, un excédent de la Sécu de 700 millions d’euros. Ce plan prévoit d’importantes économies sur l'Assurance maladie, les retraites et les allocations familiales. Sans ces "mesures nouvelles", le déficit aurait plongé à 3 milliards d'euros l'an prochain, assure la Commission des comptes de la Sécurité sociale. Toutefois, il devra encore falloir attendre 2024 avant d’arriver à l’extinction de la dette sociale.