ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > L'OMS reconnaît les "comportements sexuels compulsifs" comme un "désordre mental"

Classification internationale des maladies

L'OMS reconnaît les "comportements sexuels compulsifs" comme un "désordre mental"

Par Mathilde Debry

L'OMS reconnaît désormais "les comportements sexuels compulsifs" comme un "désordre mental", sans pour autant parler "d'addiction".

lolostock / stock
MOTS-CLÉS :

C’est une clarification plus que bienvenue. L'Organisation Mondlale de la Santé (OMS) reconnaît désormais "les comportements sexuels compulsifs" comme un "désordre mental". Ces troubles sont "caractérisés par une perte de contrôle intense à résister à des impulsions ou à des besoins sexuels répétitifs, générant du stress et des déficiences", ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. L’agence a publié ce texte dans sa dernière révision de la Classification internationale des maladies.

Cependant, l’OMS ne répertorie pas les comportements sexuels compulsifs en tant que véritable addiction, comme les experts l’ont récemment fait pour les jeux vidéo. Il s’agit, en quelque sorte, d’un entre deux. "Peut-être qu'un jour, on dira, oui, c'est une addiction, mais nous n'en sommes pas à ce stade. Nous n'avons pas encore la preuve que le processus addictif est équivalent à celui de l'alcool ou de l'héroïne", confie Geoffrey Reed, l'un des chercheurs de l'OMS, à l'AFP. Pour lui néanmoins, la classification des comportements sexuels compulsifs est "rassurante": elle permettra aux malades de faire aider plus facilement, et de pousser les compagnies d’assurance à prendre en charge ce type de dépenses de santé.

Caractéristiques cliniques

Dans The Inquirer, Geoffrey Reed Reed rappelle toutefois que cette reconnaissance de pathologie "n'excuse pas les abus sexuels ou le viol, pas plus qu'être alcoolique n'excuse le fait de conduire une voiture en étant ivre. On est toujours maître de ses actes". Si cette nouvelle classification de l'OMS est adoptée par les pays membres de l'Assemblée de l'ONU en mai prochain, elle entrera en vigueur le 1er janvier 2022.

Le terme de "dépendance sexuelle" existe depuis des décennies, mais les experts ne s'entendent pas sur sa définition. Quand certains remettent en cause l’existence même du trouble, dont le DSM-5* ne fait aucune mention à ce jour, d’autres estiment qu’il répond bien aux caractéristiques cliniques de la maladie addictive. Marie Rouvrais et son équipe ont ainsi récemment évalué si les patients de sa cohorte souffraient d’addiction sexuelle grâce à l’outil PEACCE*, qui propose de répondre aux questions suivantes (adaptation en langue française par Laurent Karila) :

1. Trouvez-vous que vous êtes souvent préoccupé par des pensées sexuelles? (Pensées)

2. Cachez-vous certains de vos comportements sexuels à votre entourage (partenaire de vie, famille, ami(e)s proches...)? (Entourage)

3. Avez-vous déjà recherché de l'aide pour un comportement sexuel que nous n'appréciez pas de faire? (Aide)

4. Est-ce que quelqu'un a déjà été heurté émotionnellement à cause de votre comportement sexuel? (Conséquences)

5. Vous sentez-vous contrôlé par votre désir sexuel? (Contrôle)

6. Vous sentez-vous triste après être passé à l'acte sexuellement (rapports sexuels, internet, autres)? (Emotions)

Entre 3 et 6% de la population générale serait touchée

Selon l’institut fédératif des addictions comportementales (Ifac), aucune donnée chiffrée n’existe actuellement sur les comportements sexuels compulsifs en France, faute d'enquête épidémiologique. Aux États-Unis en revanche, entre 3 et 6% de la population générale serait touchée. 80% des malades seraient de sexe masculin.

Aucun médicament n’arrive actuellement à venir à bout des comportements sexuels compulsifs, que se soit les antidépresseurs ou les antiandrogènes, réservés aux seuls délinquants sexuels. Et si les thérapies comportementales et cognitives obtiennent des résultats, elles ne soignent pas "la vulnérabilité profonde des patients", comme le précise la psychologue Marthylle Lagadec au journal Le Monde.

*Classification américaine des maladies psychiatriques.

*Test proposé par le docteur Patrick Carnes, auteur de "Out of the Shadows : understanding Sexual Addiction (1983)".