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Alimentation

Foie gras : des canards malades dans nos assiettes ?

Par Bruno Martrette

Quatre anciens gaveurs ont porté plainte pour tromperie, il y a un an, contre le béarnais Euralis, 1er producteur mondial de foie gras. Ils assurent que l'entreprise gave des canards malades, et leur administre des antibiotiques.

DESRUS BENEDICTE/SIPA
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Des canards malades bourrés aux antibiotiques dans nos assiettes ? A en croire la radio France Bleu Gascogne, les amateurs de foie gras ont du souci à se faire. Cinq anciens gaveurs de canards ont en effet porté plainte en avril 2012 contre le groupe Euralis, premier producteur mondial de foie gras. L'affaire exhumée subitement hier par la radio régionale du Sud-Ouest est reprise depuis en boucle par de nombreux médias. Alors, nouveau scandale alimentaire, ou simple coup médiatique des anti-gavage, la question se pose.

 

Une chose est sûre, les quatre anciens gaveurs ont travaillé pour Euralis jusqu'en 2007-2008. Le cinquième, Philippe Lapaque, a travaillé « sous contrat » en 2002 et 2003, indique la direction. Tous accusent leur ancienne entreprise de « pratiques abjectes », en contradiction avec les règles sanitaires imposées pour prétendre à l'Indication géographique protégée Sud-Ouest (IGP Sud-Ouest). Pami ces pratiques, les ex-gaveurs assurent qu'Euralis gave des canards malades, et leur administre  des antibiotiques, ce qui est bien évidemment interdit par le label IGP Sud-Ouest. Des révélations qui risquent de choquer les consommateurs car cette appellation est normalement gage de la bonne qualité de ces foies gras.

Sur son blog, et à la radio, Philippe Lapaque raconte dans le détail ces « pratiques abjectes » dont il a été témoin. « Très rapidement, j'ai vu arriver des canards malades, de toutes sortes de pathologies, coryza, un style de grippe du canard, yeux qui coulent, diarrhée, derszy, une maladie qui atrophie la croissance des canetons, et qui rend les canards nains, rachitiques, avec des os  aussi fragiles que du verre », explique-t-il. Plus inquiétant encore, l'homme révèle l'existence d'un véritable système illégal de gavage et raconte, « deuxième surprise, les  techniciens censés vous apprendre à faire les pâtées pour gaver les canards vous indiquent qu'il faut mettre telle et telle substance, du promacide pour les purger, avec par exemple de la soude caustique, ou bien des  antibiotiques quand ils sont malades ».

Et pour en rajouter encore à la liste qui semblait déjà longue, l'homme parle aussi de l'utilisation « de sulfate de cuivre pour éviter les candidoses », un champignon qui s'installe dans les jabots des canards, les rendant ainsi plus cartonneux et plus difficiles à gaver.

Mais chez le géant de l'industrie du foie gras, on rejette en bloc toutes ces accusations. Olivier Quero, en charge de la presse chez Euralis, rappelle que la plainte n'a eu aucune suite. « En décembre 2012, nous avons été entendus par la gendarmerie de Pau, et il n'y a eu aucune mise en examen, que je sache ». Et dans un communiqué, Euralis assure que « l’administration d’antibiotiques reste exceptionnelle et ne se fait qu’après intervention vétérinaire et délivrance d’une ordonnance ». « Après l'administration d'antibiotiques, le canard est retiré du label IGP », précise le communiqué. Enfin, pour clore la polémique, l'entreprise  regrette que ces producteurs « entachent la réputation de la coopérative et de ses 800 producteurs de canards » et « déplore les accusations infondées de ces cinq anciens producteurs ». 

 

Alors parole contre parole ? En tout cas, l’avocat des plaignants prétend disposer d'ordonnances vétérinaires qui attestent de l’administration de ces produits aux canards malades. Dans le même temps, Euralis affirme exercer un contrôle strict notammennt via un organisme de contrôle indépendant. Résultat, difficile de démêler le vrai du faux dans cette affaire. L'AFP indiquait ce matin que la plainte aurait été classée sans suite par le Parquet de Pau, la semaine dernière. Contacté ce matin, ce dernier refuse toujours pour le moment de communiquer sur le dossier.