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Journée mondiale du SIDA

Les résistances au traitement du VIH sont en forte augmentation dans le monde

Par le Dr Jean-Paul Marre

Une large étude du Lancet témoigne de l’augmentation de la fréquence des résistances du VIH au traitement antirétroviral de première ligne, en particulier chez les personnes déjà traitées.

AP/SIPA

Dans le traitement du SIDA, la résistance aux antirétroviraux chez les personnes initiant ou réintroduisant un traitement contenant des inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (NNRTI) est en forte augmentation dans le monde, une augmentation qui touche aussi, mais à un moindre degré, les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (NRTI).
Ces résistances dépassent les 10% et, à part dans les pays développés où elles restent stables ou baissent, elles augmentent à une vitesse importante partout ailleurs dans le monde ce qui pourrait compromettre à terme le contrôle du VIH, en particulier dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire. Ces résultats sont publiés dans le Lancet.

Une analyse de toutes les données disponibles

Cette étude est une revue systématique et une analyse de « méta-régression » sur toutes les publications et les données non publiés de pharmacorésistance disponibles : les études publiées dans PubMed et Embase et les résumés des présentations dans les congrès type CROI (Conference on Retroviruses Opportunistic Infections), International AIDS Society Conference et International Drug Resistance Workshop.
Elle vise à évaluer la fréquence régionale dans le monde de la résistance aux antirétroviraux avant initiation et ré-initiation du traitement et le risque de résistance aux médicaments avant initiation chez les personnes qui ont interrompu un traitement antirétroviral.

Une étude internationale très représentative

Les chercheurs ont identifié 358 ensembles de données pour leurs analyses, représentant 56 044 adultes dans 63 pays. La fréquence de la résistance aux inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse avant traitement est, en 2016, de 11,0% en Afrique australe, de 10,1% en Afrique de l'Est, 7,2% en Afrique occidentale et centrale, et 9,4% en Amérique latine et dans les Caraïbes.
On observe des augmentations substantielles de la résistance aux NNRTI avant le traitement par année dans toutes les régions. Les augmentations annuelles des probabilités de résistance aux médicaments avant traitement sont de 23% en Afrique australe, 17% en Afrique de l'Est, 17% en Afrique occidentale et centrale, 11 % en Amérique latine et dans les Caraïbes et 11% en Asie.
Les augmentations estimées de la fréquence absolue de la résistance aux médicaments avant traitement entre 2015 et 2016 vont de 0,3% en Asie à 1,8% en Afrique australe. 

Une augmentation continue des résistances

La résistance aux antirétroviraux avant traitement augmente considérablement dans les pays en voie de développement, en particulier en Afrique subsaharienne, où elle dépasse largement le seuil de 10% qui constitue le seuil d’alerte pour l’OMS. Ces résistances peuvent être acquises ou transmises et elles apparaissent en particulier chez les personnes infectées qui ont eu une exposition préalable aux antirétroviraux, en cas d’interruption ou de traitement de prévention (transmission mère-enfant).
La résistance augmente surtout pour les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse ce qui amène à recommander, dans ces pays, des traitements de première ligne sans ces médicaments ou à tester au préalable la résistance au traitement, en particulier chez les personnes ayant déjà été traitées.

 Il s’agit de la première analyse qui démontre de façon robuste que les personnes préalablement exposées aux traitement antirétroviraux (interruptions de traitement ou mères traitées à l’accouchement pour éviter la transmission mère-enfant) sont 3 fois plus à risque que les personnes jamais traitées d’avoir un virus résistant à la fois aux inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse et aux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse. Il s’agit d’une population importante puisqu’elle représente entre 10 et 30% de tous les malades traités.

Cette étude souligne la nécessité d'une surveillance internationale systématique de la pharmaco-résistance du VIH et d’une révision des recommandations nationales sur la composition du traitement antirétroviral de première ligne dans plusieurs pays.