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Clostridium difficile

Dentiste : prescrire des antibiotiques favorise la résistance bactérienne

Par Anne-Laure Lebrun

Un tiers des ordonnances établies par les dentistes sont inutiles. D'après une étude, cela participe à la propagation de bactéries multirésistantes.

minervastock/epictura

Les antibiotiques prescrits par les dentistes contribueraient à l’émergence de résistances bactériennes chez Clostridium difficile, une souche responsable d’infections digestives nosocomiales sévères, rapporte une étude présentée lors de l’ID Week 2017, le congrès annuel de la société américaine d’infectiologie. Elle souligne, par ailleurs, qu’une majorité de ces prescriptions est jugée inutile.

L’infection à C.difficile se contracte dans les établissements hospitaliers ou les maisons de retraite. Depuis 2005, plusieurs épidémies ont été recensées aux Etats-Unis, au Canada ainsi qu’en Europe. La France n’a pas été aussi touchée que ses voisins anglais ou néerlandais, mais la souche responsable de ces flambées a été isolée dans plusieurs structures sanitaires.

Mais à en croire les travaux du département de la santé de l’Etat du Minnesota et des Centres américains de prévention et de contrôle des maladies (CDC), C.difficile ne contamine pas seulement les patients hospitalisés.

Des recommandations non suivies

En analysant les données de 1 700 malades atteints de cette infection, mais qui n’ont pas été admis à l’hôpital entre 2009 et 2015, les médecins ont découvert que 15 % d’entre eux avaient reçu des antibiotiques de la part de leur dentiste. La clindamycine, un antibiotique associé à des résistances chez C.difficile, était le médicament le plus prescrit.

Pour près d’un tiers des patients, les soins bucco-dentaires ne nécessitaient pas un traitement antibiotique, ont noté les auteurs. Autrement dit, ces spécialistes des dents n’auraient pas respecté les recommandations.

« Il est important que les dentistes connaissent les répercussions des prescriptions d’antibiotiques, y compris les conséquences sur C.difficile, a commenté Stacy Holzbauer, responsable des travaux et épidémiologiste aux CDC et au département de santé du Minnesota. Ils rédigent plus de 24,5 millions de prescriptions pour des antibiotiques par an (aux Etats-Unis, ndlr). Il est essentiel qu’ils améliorent leur pratique. »

Une préoccupation collective

La spécialiste a, par ailleurs, indiqué que « réduire la prescription d’antibiotiques en ville d’au moins 10 % permettrait de diminuer les taux de C.difficile en dehors des hôpitaux de 17 % ».

En France, l’évolution préoccupante de l’antibiorésistance a mené les sociétés savantes et les autorités sanitaires à revoir leurs recommandations sur la prescription des antibiotiques en Odontologie. Elles précisent que l’antibiothérapie prophylactique doit être réservée aux patients à risque d’endocardite infectieuse, une inflammation du cœur, ou pour tout acte qui implique la manipulation de la gencive comme un détartrage. La durée de prescription a été réduite drastiquement : elle se limite dorénavant à une prise unique dans l’heure qui précède l’intervention.

Regardez l'émission l'Invité Santé du 15 décembre 2016 avec le Pr Patrice Courvalin sur l'antibiorésistance 


Ces travaux américains illustrent une nouvelle fois la nécessité de réserver les antibiotiques aux situations pour lesquelles ils sont les plus nécessaires. Ils montrent également comment un usage irraisonné de ces médicaments précieux affecte toute la population.

Les autorités sanitaires internationales estiment que l’antibiorésistance pourrait tuer plus de 10 millions de personnes d’ici 2050, soit plus que le cancer, si ce phénomène n’est pas endigué.