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Calais et Grande-Synthe

Migrants : les autorités ont enrayé trois épidémies dans le Nord

Par Audrey Vaugrente

La surveillance des flambées infectieuses dans les camps de migrants de Calais et Grande-Synthe a permis de limiter l'ampleur de trois épidémies.

Des migrants à Grande-Synthe (JOBARD/SIPA)

Trois épidémies : voilà ce que les autorités sanitaires et les ONG ont évité au sein du camp de réfugiés de Calais (Pas-de-Calais). En l’espace d’un an, le travail conjoint des ONG et des hôpitaux a permis de limiter l’ampleur de plusieurs flambées d’infections. Leur efficacité et leur réactivité sont saluées dans un article du Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH), publié ce 5 septembre par Santé publique France.

A première vue, les conditions n’étaient pas réunies pour lutter contre les pathologies infectieuses. En octobre 2015, plus de 6 000 personnes peuplaient le centre d’accueil de jour mis en place à Calais, la « nouvelle Jungle ».

Des épidémies classiques

Au même moment, à Grande-Synthe (Pas-de-Calais), 2 500 réfugiés cohabitaient au campement de Basroch, insalubre et inondable. Entre promiscuité et manque d’accès aux structures sanitaires, tous les éléments étaient rassemblés pour une épidémie.

Face au risque épidémique, la cellule d’épidémiologie locale a mis en place un réseau de surveillance. Et les fruits de cette surveillance ont payé. Une bonne moitié des consultations concernait des pathologies infectieuses. Mais seules trois épidémies sont survenues entre 2015 et 2016.

La première épidémie, en novembre 2015, n’a rien d’inhabituel : la grippe a sévi dans le camp de Calais, touchant une centaine de migrants. Une campagne de vaccination rapide, organisée par les ONG sur place, a permis d’éviter une reprise par la suite. Grande-Synthe n’a pas eu cette chance. Le retard de la vaccination s’est soldé par une seconde épidémie en février.



Varicelle et rougeole

Au début de l’année 2016, une flambée plus inquiétante se produit à Calais. Une souche rare de la rougeole circule dans le camp de réfugiés. Neuf migrants, un bénévole et trois soignants sont touchés.

La thèse de l’importation est confirmée. Une campagne de vaccination est lancée. Elle permet d’immuniser 2 000 personnes à Calais et 450 autres à Grande-Synthe. L’approche fonctionne : l’épidémie est interrompue rapidement.

A l’été 2016, c’est la varicelle qui prend le relais. Elle infecte 351 migrants vivant à Calais. Grande-Synthe est épargnée, alors que la population est en grande partie composée de familles.

L’immense majorité des cas concerne des adultes. Il faut dire que la population, principalement soudanaise, est mal immunisée contre cette maladie. Là encore, une campagne de vaccination systématique auprès des personnes contact permet de mettre fin à l’épidémie.



La santé mentale oubliée

Les auteurs de cet article tirent de nombreux enseignements de ce constat de réussite. D’abord, les maladies d’importation longtemps craintes ne sont pas arrivées. Les pathologies observées étaient surtout liées aux conditions de promiscuité extrême.

Ensuite, un système de surveillance réactif est essentiel pour mettre fin aux flambées infectieuses. Mais au camp de Calais, peuplé de migrants plus mobiles et précaires, les campagnes de vaccination n’ont pas toujours atteint la population cible. Proposer ce geste en routine pourrait donc avoir de l’intérêt sur le plan préventif.

Mais un élément manque cruellement dans cette analyse, et les chercheurs ne l’ignorent pas : la prise en charge des troubles psychologiques est extrêmement lacunaire dans les camps de réfugiés. Stress post-traumatique et autres affections mentales ne font pas l’objet d’un suivi ciblé. Ce qui pourrait être amélioré.