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Algérie, Roumanie, Belgique, Portugal

Ces médecins à diplôme sans frontières installés en France

Par Afsané Sabouhi

En 6 ans, le nombre de médecins exerçant en France avec un diplôme étranger est passé de 8400 à 18600. Une tendance à la hausse qui pourrait devenir exponentielle.

SAUTIER PHILIPPE/SIPA

Depuis mi-novembre, l’université privée Fernando Pessoa de Porto forme à Toulon 90 étudiants aux métiers de dentiste et d’orthophoniste, moyennant 7500 à 9500 euros de frais de scolarité. D’ici la rentrée 2013, elle prévoit de s’agrandir pour pouvoir accueillir 300 étudiants et d’ouvrir un autre centre à Béziers avec une capacité de 190 personnes. L’initiative fait bondir dans le monde de la santé où l’on crie au contournement du numerus clausus. Depuis 1971, le nombre de professionnels de santé (médecins, dentistes, pharmaciens, infirmières…) formés chaque année en France est en effet strictement encadré.

Mais ce dispositif semble de plus en plus obsolète à l’heure de l’équivalence des diplômes européens. Un médecin formé dans l’Union européenne voit désormais son diplôme automatiquement reconnu dans les 27 Etats-membres et est autorisé à y exercer à condition d’en parler la langue. Une directive dont comptent bien profiter les quelques milliers d’étudiants français en cours de formation en Roumanie, en Belgique voire même en Croatie en pariant sur son entrée prochaine dans l’UE.
Certains, 165 en 2012, ont même suivi la partie théorique de la formation médicale en dehors de l’Hexagone avant de revenir se présenter, à la fin de la 6e année, à l’examen classant national leur permettant de réaliser leurs stages d’internat dans les CHU français. Le gouvernement a tenté d’interdire cette pratique mais le Conseil d’État a annulé début janvier le « décret anti-contournement du numerus clausus » au motif de cette harmonisation européenne.

 

Avec l’université portugaise installée dans le sud de la France, c’est un pas de plus qui pourrait être franchi avec des médecins diplômés en France par le Portugal. Pour le moment, l’antenne française de l’Université Fernando Pessoa s’est concentrée sur la formation d’orthophonistes et de dentistes (odontologie), ce qui a déjà suscité beaucoup de remous. La ministre de l’Enseignement supérieure, Geneviève Fioraso, a demandé aux rectorats de Toulon et Montpellier de déposer plainte notamment pour usage abusif du terme université.
Mais pour les doyens des facultés, les présidents d’Université, les syndicats et les étudiants des disciplines concernées, le problème est ailleurs. C’est la valeur du diplôme délivré qui est remise en cause.

Ecoutez le Pr Yvon Berland, néphrologue et président de l’Université d’Aix-Marseille : « La tromperie est énorme, l’Université ne délivre même pas ces diplômes au Portugal. »



Quelle qu’en soit l’issue judiciaire, toute cette polémique fait écho à l’augmentation croissante du nombre de médecins à diplômes étrangers exerçant en France. Principalement diplômés en Algérie, Roumanie et Belgique, ils sont actuellement plus de 18600, ce qui représente 7,4% des médecins inscrits auprès de l’Ordre en 2012 contre 3,5% en 2007. « La tendance à la hausse devrait encore se confirmer. Parmi les nouveaux inscrits à l’Ordre au cours de l’année 2011, 28% étaient des médecins diplômés à l’étranger », note Gwenaëlle Le Breton-Lerouvillois, géographe de la santé auprès du Conseil national de l’Ordre des médecins.

Si les professionnels semblent mettre en doute la qualité des formations suivies et des soins prodigués par leurs confrères diplômés hors de nos frontières, difficile de s’y retrouver pour les patients. Aucune étude n’atteste de ces différences de qualité et dans certains déserts médicaux, les médecins étrangers sont les seuls à accepter encore de s’installer. La situation risque de devenir de plus en plus complexe maintenant que des médecins français peuvent avoir un diplôme étranger.

Ecoutez le Pr Yvon Berland : « Il faudrait que les patients puissent savoir où a été formé le médecin à qui ils confient leur santé. »