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Testé chez le singe

Héroïne : un vaccin pour lutter contre la dépendance

Par Audrey Vaugrente

Des chercheurs américains ont mis au point un vaccin qui bloque l’effet planant de l’héroïne. Des études chez l’homme diront s’il lutte aussi contre la dépendance.

fotomaximum/epictura

Et si l’addiction à l’héroïne n’était plus qu’un lointain souvenir ? C’est ni plus ni moins ce que propose l’Institut de Recherche Scripps (Etats-Unis). L’une de ses équipes a testé, avec succès, un vaccin qui permet de lutter contre la dépendance à cette substance psychoactive. Chez la souris et le singe, l’approche a permis à l’organisme de se défendre efficacement, précise leur étude parue dans le Journal of the American Chemical Society.

Voilà huit ans que les chercheurs américains se cassent les dents sur ce projet d’ampleur. Cette première réussite est donc accueillie avec enthousiasme. Il faut dire que, sur le papier, la méthode est simple. Le produit est dérivé d’un vaccin contre le tétanos, auquel est ajouté une des molécules de l’héroïne.

Efficace huit mois

A partir de cette molécule, le système immunitaire développe des anticorps spécifiques. En présence d’héroïne, il est censé neutraliser la substance, l’empêcher d’atteindre le cerveau. En effet, c’est l’activation des récepteurs opiacés qui provoque cette sensation de planer. Or, sans effet psychoactif, la drogue perd tout son intérêt. Mais le vaccin va plus loin : il supprimerait aussi l’effet de dépendance.

Dans les faits, ce mécanisme a été plus compliqué à obtenir. C’est désormais chose faite. Chez la souris et chez quatre singes rhésus, trois doses ont permis de neutraliser l’effet de l’héroïne. Et ce, à différentes concentrations, jusqu’à 8 mois après les injections.

2 singes, vaccinés par le passé avec une autre solution expérimentale, ont même présenté une réponse immunitaire particulièrement marquée. Ce qui suggère la formation d’une « mémoire » immunitaire, selon les chercheurs. Ceux-ci espèrent pouvoir limiter les cas de dépendance et faciliter le sevrage. Ils devront, pour cela, réaliser des tests sur l’être humain.

Une solution limitée

L’annonce est alléchante. Mais plusieurs spécialistes des addictions l’accueillent avec prudence. Car ce vaccin ne sera pas la panacée dans la lutte contre l’héroïne. « On ne sait pas si cette stratégie bloque vraiment les effets addictifs de l’héroïne », explique au Huffington Post Serge Ahmed, directeur de recherche au CNRS.

Une autre limite émerge de cette approche : la personne vaccinée doit vouloir décrocher. Car le produit fonctionnera uniquement contre l’héroïne. Et les solutions alternatives sont nombreuses.

« Une personne qui a été vaccinée contre l’héroïne répondra sans doute à la morphine, et certainement à des composés comme le fentanyl ou l’oxycodone », illustre Derek Lowe, chimiste et commentateur pour Science.

A l’heure actuelle, le champ thérapeutique est restreint pour les personnes dépendantes à l’héroïne – environ 600 000 en France selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT). A part le naltrexone, qui bloque les récepteurs, seuls des médicaments aux effets similaires peuvent être administrés. Ce qui suppose de la patience.