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Après les déclarations d'Arnaud Montebourg

Non, « le problème de santé publique lié au diesel » n'est pas derrière nous

Par Cécile Coumau

Les échappements de moteur diesel sont des cancérogènes avérés, comme le tabac. Et seulement 15% des véhicules sont équipés de filtres.

BAZIZ CHIBANE/SIPA

« Le problème de santé publique lié au diesel est derrière nous ». Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif est catégorique. Du coup, il n’y aura ni prime de conversion pour inciter les propriétaires des vieux véhicules diesel les plus polluants à changer de voiture, ni une augmentation de la taxe sur le diesel. « Ce n’est pas à l’ordre du jour », a déclaré Arnaud Montebourg lors de son passage au salon de l’Automobile à Genève.

Les médecins partagent-ils l’avis du ministre? Le problème de santé publique lié au diesel est-il vraiment derrière nous ? Pas si sûr si l’on épluche la littérature scientifique.

En juin 2012, le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC), qui fait partie de l’Organisation mondiale de la Santé (Oms), a classé les gaz d’échappement des moteurs diesel comme étant cancérogènes pour l’homme (Groupe 1).
« Les données scientifiques étaient sans appel et la conclusion du groupe de travail, unanime : les gaz d’échappement des moteurs diesel provoquent le cancer du poumon chez l’homme », a déclaré le Dr Christopher Portier, président du groupe de travail du CIRC.«Etant donné l’impact supplémentaire des particules émises par les moteurs Diesel sur la santé, l’exposition à ce mélange de produits chimiques devrait être réduit à travers le monde », a-t-il ajouté. Les experts du CIRC avaient des « indications suffisantes prouvant qu’une telle exposition est associée à un risque accru de cancer du poumon. »


Ecoutez le Dr Lamya Tallaa, du Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) : "Les échappements de diesel sont classés cancérogènes avérés, comme le tabac."



La durée d’exposition aux échappements de diesel est évidemment très importante. Pour la 1ère fois, une étude publiée en octobre 2012 dans le Journal of national cancer institute met en évidence une relation dose à effet entre le risque de cancer bronchique et l’exposition à ces gaz d’échappement. Concrètement, pour les personnes les plus exposées, le risque de cancer broncho-pulmonaire est multiplié entre 2,4 et 5.

Bien sûr, le cancer du poumon est la pathologie n°1 qui ressort dans les études sur le diesel. Mais, l’exposition aux fumées de diesel favoriserait également la survenue de cancer de la vessie.

Le cœur serait lui aussi sensible à cette pollution. En février 2012, la compilation de 34 études a permis de quantifier le lien entre pollution atmosphérique et apparition d'infarctus. Résultat : entre 0,6 et 4,5 % des infarctus sont déclenchés par une forte exposition dans les 7 jours précédents à un polluant atmosphérique : monoxyde d'azote, monoxyde de carbone, sulfures ou les fameuses microparticules.


Ecoutez le Dr  Yves Cottin, cardiologue au CHU de Dijon : "Les personnes à risques qui ont déjà fait un infarctus doivent éviter de s'exposer ou de faire du sport en période de pic de pollution".


Sur le cerveau, il a aussi été constaté que le risque d’attaque cérébrale augmentait dans les 12 à 14 heures après l’exposition à un pic de pollution aux fines particules atmosphériques. Réduire de 20% ce type de pollution atmosphérique aurait pu éviter 6 000 attaques cérébrales au cours de l’année 2007 aux Etats-Unis.

Sur le sujet, les chiffres ne manquent donc pas. Le ministère de l’Ecologie rappelle même que les particules fines seraient à l’origine de 42000 décès prématurés par an. Mais, attention, « ces chiffres ne sont que des extrapolations mathématiques.


Ecoutez le Pr Michel Aubier, chef du service de pneumologie à l'hôpital Bichat : "Il y a une petite surmortalité mais il ne faut pas comparer cela avec l'amiante. Sur le plan scientifique, ça n'a aucun sens."



60% des particules fines ne viennent pas du diesel
Par ailleurs, les particules fines ne proviennent pas que du diesel, 30 à 40% des particules fines dans l’atmosphère seraient émises par les véhicules, le reste provenant de l’industrie et de l’agriculture. Mais les particules fines de diesel ont quand même une spécificité. « Elles augmentent la réaction allergique. Nous n’avons pas la preuve que ça déclenche un asthme, mais ça l’aggrave, c’est certain, » déclare Michel Aubier.


Ces preuves se sont bien évidemment accumulées au fil des années et les pouvoirs publics n’ont pas attendu que le CIRC classe le diesel comme cancérogène certain pour prendre des mesures de protection. En 1997, les toutes premières voitures équipées de filtres à particules sont arrivées sur le marché. Et peu à peu, des filtres plus performants ont vu le jour pour répondre aux normes européennes. « Les nouveaux moteurs diesel équipés de filtres Euro 5 et Euro 6 sont très efficaces. Quasiment plus aucune particule n'est émise», confirme le Pr Aubier. Ce qui fait dire à Arnaud Montebourg que « le problème de santé publique lié au diesel est derrière nous ».


Mais, seulement 15% du parc automobile français serait équipé de filtres à particules. Et sûrement beaucoup moins des filtres dernière génération. En revanche, le nombre de véhicules diesel ne cesse d’augmenter. Ils représentent 60% de notre parc automobile mais 72% des ventes en 2012. Quant aux vieux véhicules d’avant 2000, considérés comme les plus polluants, ils représenteraient 27% du parc.


C’est pourquoi les ministres de l’Ecologie et du Logement, Delphine Batho et Cécile Duflot, étaient favorables à une prime pour inciter les propriétaires de vieux véhicules diesel à changer de voiture. Et pour Michel Aubier, « il est dommage d’abandonner cette idée. C’est sûrement une mesure coûteuse mais elle est judicieuse. D’autant qu’avec la crise économique, le temps de vie d’un véhicule est plus long. Donc, ils ont le temps de beaucoup polluer. »