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Frédéric Gal

Touche Pas à Mon Poste : "Cette homophobie se poursuit dans les écoles"

Par Marion Guérin

ENTRETIEN - Frédéric Gal, directeur général du Refuge, revient sur le sens et les conséquences de l’émission polémique de Cyril Hanouna.

IBO/SIPA

« J’ai reçu un appel d’un adolescent. Il venait d’être frappé à l’école par d’autres gamins qui lui ont dit : si "Touche Pas à Mon Poste" disparaît, vous, les homos, vous irez au bûcher ! ». Consternation sur la ligne d’urgence du Refuge, qui prend les appels des jeunes victimes d’homophobie. Ici, la blague de Cyril Hanouna n’a pas fait rire. Il faut dire que les conséquences, auxquelles le chroniqueur n’avait peut-être pas songé lors de son canular, ne prêtent pas à l’humour.

En passant une fausse annonce pour une rencontre entre homosexuels, en diffusant auprès de deux millions de téléspectateurs la voix et le prénom du jeune homme qui y a répondu, en ridiculisant son interlocuteur, pouffements et intonations libidineuses à l’appui, Cyril Hanouna a déclenché un tollé. En début de semaine, le Conseil supérieur de l'Audiovisuel avait reçu plus de 20 000 signalements et les principaux sponsors de l'émission se sont retirés ou ont suspendu leur participation.

Mais cette affaire suscite aussi un débat, qui donne en substance la question suivante : pourquoi ne pourrait-on pas rire des gays quand on se moque des vieux, des gros, des handicapés ? Pourquoi, cette fois, est-ce plus grave qu’une simple plaisanterie d’un goût douteux ? Eléments de réponse avec Frédéric Gal, directeur général du Refuge.
 

Avez-vous reçu des témoignages indiquant que les homosexuels ont été blessés par ce canular ?

Frédéric Gal : Ce qui est sûr, c’est que le jeune homme qui a appelé pendant l’émission de Cyril Hanouna a été particulièrement marqué par cet événement. Sa famille a reconnu son prénom et sa voix puisque ni l’un ni l’autre n’ont été modifiés. Elle l’a menacé. Par ailleurs, j’interviens dans les lycées et on ne parle que de cette histoire. Cette émission a marqué les esprits de tout le monde.

Les élèves sont mitigés. Certains pensent qu’il ne s’agit que d’humour et ne voient pas le côté homophobe, ce qui est logique : nous qui luttons contre l’homophobie ordinaire, nous savons qu’ils ne la repèrent pas forcément. Nous sommes là pour leur expliquer que l’humour, c’est bien, mais quand c’est partagé... D’autres élèves ont été choqués par l’émission. En tout cas, sur les réseaux, notre président a été insulté par des fans de TPMP… et Cyril Hanouna lui-même a été insulté par ceux qui ont trouvé l'émission déplacée. Au final, tout cela donne lieu à une situation déplorable.


Pourquoi un Laurent Baffie peut rire des autres, y compris des gays, quand un Cyril Hanouna fait de l’homophobie ?

Frédéric Gal : C’est une affaire de contexte. Quand Laurent Baffie se fait passer pour quelqu’un qui veut lancer une collection de BD de « Tata » (cf : Tintin chez les PD, Laurent Baffie, ndlr), c’est drôle, il y a un jeu de mots, une forme de réflexion. Il ne trompe pas son interlocuteur et ne le met pas en danger. Là, dans l’émission de Cyril Hanouna, c’est de l’humiliation pure. La technique utilisée pour avoir ces personnes au bout du fil, c’est une technique que certains utilisent pour « casser du pédé », pour parler vulgairement. Cela arrive à de nombreuses personnes qui ont été trompées par des agresseurs se faisant passer pour des homosexuels sur des sites de rencontre, et qui se sont fait finalement tabasser. C’est encore arrivé très récemment, à la suite de l’émission.

Bien sûr, on peut rire de beaucoup de choses, y compris des homosexuels. Mais quand Laurent Baffie vanne tout le monde en utilisant tous les registres comiques, Cyril Hanouna n’a recours qu’à l’humiliation de la personne, et souvent des homosexuels. Le problème, c’est que l’homophobie ordinaire qui apparaît dans cette émission, elle se poursuit dans les écoles. Elle se normalise à la télévision et se retrouve en salle de classe.

Est-ce parce qu’une partie de la France est homophobe qu’on ne peut pas se permettre ce genre d’émission ?

Frédéric Gal : La France n’est pas plus homophobe que les autres pays. L’homophobie existe partout, on l’a vue pointer en France lors du Mariage Pour Tous, elle n’a pas disparu. C’est comme un virus, qui semble ne se déclarer que lors des symptômes, mais qui est en réalité toujours présent.

C’est pour cela qu’il faut être vigilant à chaque instant sur l’exemple que l’on peut donner, sur les conséquences que peuvent avoir certains comportements. La responsabilité des médias est de ce point de vue très importante. Car le danger, c’est que d’autres personnes aient la même idée que Cyril Hanouna, à savoir, se faire passer pour des homosexuels pour, au mieux, se moquer de la victime, au pire, attenter à son intégrité physique.