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Pilules de 3e génération: le récit d'une crise sanitaire

Par Raphaëlle Maruchitch avec la rédaction

Depuis le dépôt de plainte d'une jeune fille jusqu'à la présentation aujourd'hui des chiffres de pharmacovigilance, l'affaire des pilules contraceptives a révélé des failles dans la gestion d'une crise sanitaire.

CHAMUSSY/SIPA

Force est de constater qu’un climat ambiant de méfiance à l’égard de la pilule s’est installé en France. Aurait-il pu en être autrement ? Tout au long de l’affaire, les autorités en charge ont réagi pour faire face à la crise. Endossant tantôt une fonction de pompier avec des annonces hâtives, tantôt un rôle très politique, le ministère de la Santé a été critiqué pour n’avoir pas toujours su garder sa juste place. Ce lundi, l'Agence de sécurité du médicament (Ansm) présente les données actualisées de pharmacovigilance recueillies en janvier et l’état des lieux de l’utilisation de la pilule. Retour sur un feuilleton dense en rebondissements.

En septembre 2012, la Haute autorité de santé (HAS) annonce le déremboursement des pilules de 3e génération à compter du 30 septembre 2013. En cause : l’insuffisance du service médical rendu par ces pilules, dont il a été constaté que le risque thrombo-embolique était augmenté par rapport aux pilules de 2e génération.

Le dépôt de plainte qui fait déclic
A l’heure des fêtes de fin d’année, les regards se tournent vers un jeune fille de 25 ans. Le 13 décembre 2012, Marion Larat, handicapée à 65%, accuse la pilule de 3e génération d'avoir causé l'accident vasculaire cérébral à l'origine de son handicap. Elle dépose une plainte qui vise le laboratoire Bayer et le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament pour "atteinte involontaire à l'intégrité de la personne humaine" et pour non respect du principe de précaution

Très vite, les questions pleuvent. A chaud, les autorités sanitaires réagissent : le 1er janvier, le Pr Dominique Maraninchi, directeur général de l'Ansm, suggère que la délivrance des pilules de nouvelle génération pourrait être réservée à des spécialistes. Il revient très rapidement sur ses paroles. Le 2 janvier, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, annonce pour sa part l’anticipation du déremboursement des pilules de 3e génération, au 31 mars 2013.

L’affaire prend de l’ampleur
Mi-janvier, Marisol Touraine saisit l’Agence Européenne du médicament (EMA) afin de déterminer si une restriction des indications en deuxième intention des pilules de nouvelles générations n’est pas nécessaire. En parallèle, elle tente de calmer le jeu face à l’emballement médiatique : « Les pilules de 3e et 4e générations ne sont pas dangereuses, sinon nous procéderions à leur retrait. Ce qui pose problème, c’est leur prescription trop systématique d’emblée ».
Elle intime de « ne pas céder à la panique. Rien ne serait pire que de voir des femmes renoncer à toute contraception et d’avoir à recourir à l’interruption volontaire de grossesse ». L’EMA y va aussi de son commentaire et rappelle qu'il est « bien établi » que les contraceptifs combinés sont associés à un risque « très rare » de thrombo-embolie veineuse. Mais Marion Larat a ouvert la voie. Les dépôts de plaintes s’accumulent, par centaines.

L’anti-acnéique Diane 35 fait irruption dans le débat

Fin janvier tombe alors une annonce qui fait l’effet d’un couperet : le médicament Diane 35 serait à l’origine de quatre décès par thrombose veineuse. Diane 35 soulève deux problèmes : d’une part, sa dangerosité et d’autre part, le fait que le médicament qui avait reçu une autorisation de mise sur le marché pour l’acné sévère est dans 60% des cas prescrit comme contraceptif. Une nouvelle fois, les mots « contraceptif » et « décès »  sont réunis.

En cinq jours, l’Ansm procède à la réévaluation du rapport bénéfice/risque de Diane 35 et prend la décision de suspendre le médicament.

Les professionnels de santé montent au créneau
Ministère et autorités ont été critiqués au fur et à mesure de leurs annonces, jusqu’à ce que les réactions se fassent entendre en masse : début février, des syndicats (gynécologues (Syngof) et dermatologues (SNDV)) expriment leurs réserves sur la suspension de Diane 35. S’en suit la publication d’un sondage dans une revue médicale, qui révèle que 85% des professionnels de santé jugent « disproportionnée » la réaction de la ministre de la Santé sur les pilules de 3e et 4e génération. Il y a fort à parier que le ministère aura d’autres blâmes à essuyer.