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Yolaine Ferrier

Pollution industrielle : "les habitants du Golfe de Fos vivent avec les fenêtres fermées"

Par Bruno Martrette

Une étude dans le golf de Fos révèle que 63 % des habitants souffrent d'une maladie chronique. La chercheuse Yolaine Ferrier raconte ce quotidien face à la pollution industrielle. 

Gilles_Paire/epictura

Fos-sur-Mer et Port-Saint-Louis-du-Rhône sont deux villes des Bouches-du-Rhône situées sur le front industriel de la zone portuaire de Fos. Celle-ci est comprise elle-même dans le plus vaste complexe industriel de l'étang de Berre. Depuis les années 2000 et sur la base d’observations, leurs 24 000 habitants s’inquiètent de l’impact du cumul des expositions aux polluants environnementaux sur leur santé.

Des craintes confirmées cette semaine par une étude (1) basée sur la santé de 816 riverains. Elle démontre qu'ils sont davantage touchés par des affections respiratoires, diabètes et cancers. 63 % des habitants de ces deux communes souffrent ainsi d'au moins une maladie chronique contre 36,6 % en France. Contactée par Pourquoidocteur, Yolaine Ferrier, co-auteur de l’étude, raconte leur quotidien.

A quoi ressemble la vie de ces habitants ?
Yolaine Ferrier : La vie quotidienne de ces habitants est difficilement supportable. Leur principal apport de polluant est l'air qu'ils respirent tous les jours. Il y a des périodes de la journée où ces personnes sont tout simplement obligées de fermer leurs fenêtres que ce soit l'été, l'hiver, le jour ou la nuit parce. Ils sont constamment gênés par la pollution industrielle. Ceux qui sont asthmatiques en souffrent encore plus que les autres. Mais tout le monde est concerné. Ces riverains ne connaissent de répit au niveau de la sphère ORL (oto-rhino-laryngologie). Ils ont toujours des symptômes avec le nez bouché, ou qui coule. Les otites à répétition sont aussi extrêmement répandues.  


A plus long terme, quelles sont les conséquences ?
Yolaine Ferrier : Les principaux résultats  qui ont été récoltés sont très "parlants et solides", comme disent les scientifiques. Et ils inquiètent médecins et riverains. Nous avons par exemple une fois et demi plus d'asthme chez les adultes dans ces deux villes  de l'étude qu'en moyenne dans la population française. Il y a également près de deux fois plus de cancer chez ces habitants, lorsqu'ils sont en vie, qu'ailleurs dans l'Hexagone. Enfin, nous avons deux fois plus diabète (tous types) et quatre fois plus de diabète de type 1. 


La recherche sur la pollution industrielle avance-t-elle ?
Yolaine Ferrier : Il y a vraiment des zones d'ombres dans la connaissance scientifique sur la pollution industrielle. Il y a des enjeux économiques énormes donc les chercheurs font l'objet de nombreuses pressions. Cela se voit à l'échelle de l'Europe, mais aussi à celle de la France.
L'enjeu à l'avenir, c'est de construire cette recherche avec des résultats rigoureux donc pertinents. Je rappelle qu'il y a beaucoup de sites où nous aimerions enquêter parce que les habitants se posent des questions. Certains même se plaignent déjà d'effets sur leur santé liés à une activité industrielle. Je pense à des sites qui ne sont pas très éloignés de Fos-sur-Mer ou dans le Nord de la France où les conditions sont préoccupantes en terme de complexité industrielle et de cumul des polluants. C'est un vrai enjeu de santé publique. 


(1) Cette étude a été réalisé entre janvier 2015 et juin 2017. Ell est financée sur des fonds confiés à l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l'Alimentation, de l'Environnement et du Travail par l'ITMO Cancer d'AVIESAN.