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Entretien

Tabac : Claude Evin revient sur les dix ans de sa loi

ENTRETIEN – Claude Evin, auteur de la loi éponyme sur l’alcool et le tabac, revient sur l’anniversaire du texte prohibant la fumée dans les espaces publics.

Tabac : Claude Evin revient sur les dix ans de sa loi siggitom58/epictura




Soufflez les bougies, éteignez vos cigarettes. Ce mercredi, la France célèbre le dixième anniversaire d’une loi emblématique, qui a modifié le quotidien de nombreuses personnes exposées au tabagisme. En effet, le 1er février 2007 entrait en vigueur l’un des décrets de la loi Evin, bannissant les cigarettes des lieux à usage collectif – lieux publics, entreprises…

Dix ans plus tard, il paraît tout à fait naturel aux Français de ne plus fumer dans ces lieux. Mais à l’époque du passage de la loi Evin, en janvier 1991, il fallait un certain aplomb pour brider des consommateurs usités à la prolifération tabagique, alors que la cigarette s’affichait partout - sur les plateaux des JT, dans les cabines d’avion, à l’université...
Claude Evin, ancien ministre de la Santé à l’origine de la loi célébrée aujourd’hui, revient sur cette épopée législative.

Pourquoi a-t-il fallu attendre 15 ans entre votre loi et le décret d’application sur les lieux à usage collectif ?

Claude Evin : Un premier décret d’application de la loi de 1991 a été voté en 1992 par Bernard Kouchner, alors ministre de la Santé. Le texte prévoyait l’interdiction dans ces lieux (bars, restaurants…) mais délimitait les zones fumeurs grâce à un simple chevalet à poser sur les tables, que l’on pouvait aisément déplacer. Donc, le texte ne permettait pas de répondre à l’objectif sanitaire de la loi.

J’ai profondément regretté le choix de Bernard Kouchner, que j’interprète comme un manque de courage. Oui, quand on prend des dispositions qui freinent les intérêts de certains, il y a un peu de pression… J’en ai moi-même subie lorsque j’ai légiféré sur l’alcool et sur le tabac, encore que celles qui s’exercent sur les lois relatives à l’alcool sont beaucoup plus importantes que pour le tabac.

En 2006, une mission parlementaire que j’ai présidée s’est traduite par un décret rédigé en novembre, sous Xavier Bertrand et entré en vigueur le 1er février 2007. Cette fois, le texte traduit bien l’esprit de la loi de 1991. Il prévoit l’interdiction totale de fumer dans les lieux à usage collectif, sauf dans des lieux spécifiques qui sont précisément définis.

Avez-vous fait l’objet de critiques lorsque vous avez mené ce combat législatif ?

Claude Evin : Oui, j’ai reçu quelques critiques, on m’a dit que je me permettais d’entraver la liberté de comportement des fumeurs. Mais au final, le dispositif législatif sur le tabac n’a jamais été remis en cause, il a été conforté par le décret de 2006 et par ces lois qui n’ont pas été modifiées, comme l’interdiction de faire de la publicité sur le tabac. Ce n’est pas le cas du volet alcool, plusieurs fois remis en cause et encore très récemment… Il est plus facile de légiférer sur le tabac que sur l’alcool, c’est indéniable.

Mais le décret de 2006 (dont on fête l’anniversaire, ndlr) n’est pas parfaitement appliqué et sans doute faut-il renforcer les contrôles. Les bars et les restaurants ont créé des avancées sur les trottoirs. Or, en hiver, ces espaces sont couverts et fermés et devraient être soumis à l’interdiction. Il s’agit là d’un détournement de la loi et d’un non-respect de celle-ci.

En 1991, la France était à la pointe de la lutte contre le tabagisme… l’est-elle encore ?

Claude Evin : En 1991, la France faisait partie des premiers pays à prendre ces mesures antitabac, mais les priorités étaient très différentes de celles d’aujourd’hui. La presse magazine faisait de la publicité indirecte pour le tabac, via les produits dérivés (briquets, allumettes) ou les prestations dérivées (Camel Trophy). Je me souviens de quelques conflits avec le ministre du Budget de l’époque sur les cigarettes Chevignon, qui portaient la marque d’un blouson pour jeunes.

Aujourd’hui, ces conflits entre la Santé et le Budget existent encore, mais ils s’expriment autrement. Nous avons un cadre législatif qui interdit la publicité sur le tabac, prohibe la fumée dans les espaces collectifs et instaure le paquet neutre. Désormais, la seule mesure radicale qui soit de nature à modifier les comportements, c’est une hausse brutale du prix du tabac, et c’est vers cela que la France doit s’engager pour rester pionnière dans la lutte contre le tabagisme.

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