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Lobbying, financement d'études

Nutrition : Coca et Pepsi financent plusieurs organisations sanitaires

Par Audrey Vaugrente

Par des investissements justement placés, Coca-Cola et PepsiCo ont ralenti la lutte contre les sodas. Les géants du secteur ont financé des organisations de santé publique.

Coca-Cola South Africa/Flickr

Le sponsorat peut s’avérer une activité très lucrative. Ce ne sont pas les géants du soda, PepsiCo et the Coca-Cola Company, qui affirmeront le contraire. A eux deux, ces groupes ont réussi à bloquer plusieurs lois qui visaient à améliorer la nutrition des Américains. Et ainsi à maintenir le haut niveau de consommation de sodas aux Etats-Unis. Le fruit d’un lobbying intense mais aussi d’une stratégie plus pernicieuse. Ces producteurs de sodas ont financé les activités de 96 organisations sanitaires nationales, dont certains instituts officiels. C’est ce que révèle une étude de l’université de Boston (Etats-Unis), parue dans l’American Journal of Preventive Medicine.

Financer pour faire taire

Coca-Cola et PepsiCo ont le bras long : entre 2011 et 2016, diverses organisations ont accepté les financements de ces entreprises. Deux d’entre elles ont pour but la lutte contre le diabète. « Surprenant, au vu du lien établi entre le diabète et la consommation de sodas », affirment les auteurs. La stratégie n’est pas unique : en France aussi, la Fédération française des diabétiques (AFD) touche de l’argent de la part du géant du cola. L'ONG Foodwatch a récemment demandé à Coca-Cola de publier les dons réalisés en Europe : il s'avère que l'industriel a co-financé de nombreuses recherches.

Le goût du paradoxe ne s’arrête pas là. Les Instituts nationaux pour la santé (NIH), les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) et diverses associations pour la nutrition, sont également en contrat. Coca mène clairement la danse dans ce secteur : 83 institutions ont accepté ses versements exclusifs contre 1 pour PepsiCo.


A première vue, rien de dommageable n’émerge de ces partenariats. En fouillant un peu, les auteurs de cette étude ont pourtant relevé une action systématique. Coca-Cola et PepsiCo font appel à ces contrats pour valoriser leurs produits. Pire : « Les producteurs de soda peuvent neutraliser l’opposition législative potentielle en évoquant une réciprocité et une dépendance financière des organisations sanitaires nationales », explique Daniel Aaron, étudiant en médecine.

Une « philanthropie » délétère

Au lieu de militer en faveur de mesures de santé publique, les instituts se retrouvent réduits au silence ou associés, contre leur gré, à un lobbying qui mine la santé publique. C’est le cas de l’ONG Save The Children, très active en faveur des taxes contre les sodas. En 2010, soit un an après avoir accepté 5 millions de dollars (4,5 millions d’euros) de Coca-Cola et PepsiCo, ses cadres optent pour le silence à ce sujet.

Il n’aura pas fallu d’investissement massif pour obtenir des résultats. Chaque année, les deux groupes injectent 9 millions de dollars. Le résultat, lui, est probant : 28 textes de loi destinés à réduire la consommation de sodas ou améliorer la nutrition ont été rejetés. Les exemples précédents livrés par l’activité des producteurs de tabac et d’alcool montre bien à quel point ce mécénat est délétère pour la santé publique. « La philanthropie d’entreprise est un outil de marketing qui peut être utilisé pour réduire au silence des organisations qui militeraient pour des mesures de santé publique à l’encontre de ces industries », résument les auteurs.

Dans les faits, les boissons sucrées seraient responsables de 20 % de la prise de poids observée aux Etats-Unis entre 1977 et 2007. Certaines organisations en ont bien conscience : l’Académie de Nutrition et Diététique et l’Académie américaine de Pédiatrie ont mis fin à leurs contrats fin 2015. Il reste un long chemin à parcourir avant d’obtenir un résultat sur la population. En 2009, un Américain consommait en moyenne 174 litres de soda par an.