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Sur la piste des six sens

Toucher: masser pour stimuler nos défenses immunitaires

Par Cécile Coumau

Des défenses immunitaires aux cellules cancéreuses, le massage est un vrai geste thérapeutique. Ce sont les enfants prématurés qui en profitent le plus. Mais au fait, le toucher, comment ça marche ?

CARO FOTOS/SIPA

Les massages ne sont pas bons que pour les muscles. Loin de là ! Aussi étonnant que cela puisse paraître, le massage peut aussi booster le système immunitaire. Plusieurs études en ont déjà apporté la preuve, et notamment chez des personnes atteintes du sida. Par exemple, des patients ayant bénéficié de 45 minutes de massage, cinq jours par semaine et pendant un mois, ont vu augmenter leur taux de lymphocytes NK, les cellules tueuses qui combattent les virus. Et parallèlement, les taux d’adrénaline, de noradrénaline et de cortisol avaient eux baissé. Or, on sait que le cortisol affaiblit les défenses immunitaires.


L’art du massage commence aussi peu à eu à faire ses preuves dans le cancer. Non seulement, les séances de massage ont un impact sur l’humeur, l’anxiété, la douleur mais aussi – encore une fois – sur les taux de dopamine, les cellules tueuses et le nombre de lymphocytes.
Plus étrange encore, les massages pourraient remettre des cellules malignes dans le droit chemin. Fin 2012, des chercheurs américains de l’université de Berkeley, ont mis en évidence que malaxer les seins d’une femme atteinte de cancer peut stopper le développement de tumeurs. «Les cellules malignes n’ont pas complètement oublié comment être saines, explique Gautham Venugopalan, membre du laboratoire de Berkeley. Elles ont juste besoin d’une bonne influence pour les remettre dans un schéma de développement normal.» Cette “bonne influence”, ce sont “des stimulations mécaniques venues de l’extérieur lors des premiers stades de développement», explique le Pr Daniel Fletcher. Bien sûr, il faut rester prudents : « la compression des seins n’est pas, en soi, une traitement contre le cancer », préviennent les chercheurs de Berkeley mais « cela nous donne des clés pour traquer de nouvelles cibles thérapeutiques. »


Mais, pour le moment, ce sont sans doute les bébés qui bénéficient le plus des vertus thérapeutiques du toucher. Les massages ou un simple peau à peau sont en effet de plus en plus pratiqués dans les maternités. Les grands prématurés, par exemple, auraient un gain de poids de presque 50% supérieur lorsqu’ils sont massés. En moyenne, ils quittent donc l’hôpital six jours avant les bébés qui ne sont pas massés.


Ecoutez Edouard Gentaz, directeur de recherche au CNRS : "Les bébés prématurés, il faut les stimuler par le toucher pour compenser les mois qu'ils n'ont pas passé dans le ventre de leur maman".



Plus tard, une fois sur les bancs de l’école, les enfants ont aussi intérêt à ne pas négliger le sens du toucher. Même si la vue et l’ouïe sont largement sollicités pour tous les apprentissages. Des chercheurs français ont démontré que toucher les lettres favoriserait l’association avec le son, et donc l’apprentissage de la lecture. Et que les amateurs de sciences se rassurent, toucher des figures géométriques planes en relief aiderait aussi les enfants âgés de cinq ans à mieux les reconnaître visuellement et à les mémoriser.


Ecoutez Edouard Gentaz : " Le toucher agit comme une sorte de ciment entre les sens visuel et auditif. Cela aide à l'apprentissage de la lecture."



Le toucher, comment ça marche ?

C’est le premier sens à se développer et le dernier à se dégrader. Chez le fœtus, le toucher devance la vue, l’ouïe, l’odorat ou encore le goût. Autre particularité :la peau est l’organe le plus important en étendu. « Notre enveloppe corporelle est truffée de mécano-récepteurs qui codent toutes les propriétés possibles de notre environnement, à part la couleur », indique Edouard Gentaz. Bien sûr, toutes les parties du corps n’ont pas la même sensibilité. Les plus « épidermiques » sont la main et le visage. La main, on comprend bien pourquoi. Pour le visage, une hypothèse : cette partie du corps, sorte d’avant-poste du cerveau, aurait besoin d’être en alerte pour être protégé. Mais, le toucher, ce n’est pas qu’une histoire de peau mais aussi de muscles et de mouvement.


Ecoutez Edouard Gentaz : "Quand les muscles bougent, ils envoient des messages au cerveau. C'est ce que l'on appelle le toucher actif".



Par ailleurs, le toucher, comme n’importe quel sens, peut se développer à force d’entraînement. Certaines personnes sont des virtuoses. Chez les violonistes par exemple, les zones du cortex recevant les informations des doigts de la main gauche (les plus actifs) sont bien plus développées que les zones recevant les informations provenant des doigts de la main droite, et plus développées également que chez les non-violonistes. La représentation corticale de la main est également plus importante chez les aveugles qui lisent le braille.


Quand le toucher fait défaut…


Avec l’âge, il n’est pas rare d’avoir la vue qui baisse et d’être dur de la feuille. En revanche, le toucher n’est pas vraiment un sens qui s’use à force de s’en servir. Il n’empêche, l’éventail des dysfonctionnements du toucher est large. La sensation peut être diminuée, on parle d’hypoesthésie, totalement absente, on parle d’anesthésie, mais elle peut aussi être anormalement augmentée, on parle alors d’hyperesthésie. Enfin, au rayon des bizarreries, il y a les paresthésies, ces troubles de la sensibilité tactile, qui sont désagréables mais pas douloureuses. Certaines personnes éprouvent des sensations de brûlures, d’autres de démangeaisons, de picotements, de fourmis, de courant électrique ou encore de toile d'araignée. Ces altérations trouvent leur origine dans des atteintes des nerfs périphériques, du cerveau ou de la moelle épinière. Et les accidents ne sont pas les seules causes. Le diabète ou encore l’alcoolisme peuvent altérer le toucher.

Quand le toucher dysfonctionne, le handicap est réel car une grande partie de notre communication est non verbale. « Le toucher est notre sens le plus social, souligne Tiffany Field, responsable du Touch Research Institute à la Faculté de médecine de l'Université de Miami, aux États-Unis. Contrairement à la vue, à l’ouïe, à l’odorat et au goût, qui peuvent s’exercer quand on est seul, le toucher implique une interaction avec quelqu’un d’autre.”