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A l'origine de malformations

Dépakine : comment sont suivies les grossesses sous valproate de sodium

Par Marion Guérin

Pour les patientes atteintes d’épilepsie, il n’est pas parfois pas possible de se passer de valproate de sodium. Les grossesses doivent alors être surveillées de très près.

Rafael Ben-Ari/Chameleo/REX/SIPA

S’il est un message à faire passer, dans le dossier Dépakine, c’est qu’il faut à tout prix éviter la prescription de valproate de sodium aux filles et aux femmes atteintes d’épilepsie. Le médicament est à l’origine de malformations chez les bébés exposés in utero. A cet effet tératogène s’ajoute un risque élevé pour l’enfant à naître de développer des troubles neurocomportementaux.

« Lorsque je reçois une patiente sous valproate de sodium, je la préviens toujours de ce risque, même si elle a 12 ans et que ses parents font une drôle de tête quand je commence à parler de grossesse à leur fille ! raconte Stéphane Auvin, neuropédiatre spécialiste des épilepsies à l’hôpital Robert Debré.

Pharmacorésistances

De fait, les recommandations indiquent de ne prescrire le valproate qu’en dernier recours, quand les autres traitements s’avèrent inefficaces pour prévenir les crises d’épilepsie. Pour autant, le valproate de sodium n’est pas toujours une option ; certaines patientes n’ont tout simplement pas le choix.

« L’épilepsie est une maladie très complexe qui revêt différentes formes, poursuit le neuropédiatre. On dispose aujourd’hui de nombreuses alternatives thérapeutiques ; il faut toutes les essayer avant d’utiliser le valproate, mais certaines patientes ont une pharmacorésistance qu’on ne peut pas forcément prédire. Il n’y a pas de types d’épilepsie pour lesquels le valproate serait la seule option. Mais après avoir essayé d’autres traitements, cela devient parfois la seule solution efficace pour la patiente. »

Il existe des sous-groupes d’épilepsie pour lesquels le valproate de sodium a montré une grande efficacité, notamment dans les épilepsies généralisées idiopathiques (épilepsie myoclonique juvénile, épilepsie-absences de l'adolescence, épilepsie avec crises tonico-cloniques). « Mais là aussi, il faut tester l’efficacité d’autres traitements avant de traiter avec le valproate »,», indique Stéphane Auvin.

Surveillance étroite à l'échographie

L’idée est donc de préparer la prise en charge de l’épilepsie en amont d’une grossesse, dès l‘adolescence, afin de minimiser les risques. Toutefois, les femmes épileptiques et traitées à la Dépakine ne sont pas condamnées à abandonner tout projet d’enfant. Dans un premier temps, les patientes enceintes doivent être informées de manière très précise sur les risques associés à leur grossesse sous valproate, afin de décider de la poursuite éventuelle du projet parental, en toute connaissance de cause.

La grossesse de ces patientes doit par la suite faire l’objet d’une stricte surveillance échographique. « On sait que les risques tératogènes sont les plus élevés au moment de l’organogenèse, dans les deux premiers mois de gestation, précise Isabelle Lacroix, pharmacologue de l’Unité « Médicaments, Grossesse et Allaitement » au CHU de Toulouse. Il faut réaliser des échographies rapprochées dans des centres de diagnostic anténatal, qui font des recherches très spécifiques et minutieuses ».

Les échographies rapprochées ont vocation à surveiller les « points cibles » afin d’y détecter une éventuelle malformation liée au valproate. « Le tube neural, le cœur, la face, le crâne, les reins, les organes génitaux et le squelette », énumère Isabelle Lacroix. Par ailleurs, si le risque est plus élevé dans les deux premiers mois, il ne disparaît pas tout à fait par la suite. En effet, les organes génitaux se développent après cette première période ; la surveillance a donc lieu pendant toute la grossesse.

Cette surveillance doit permettre d’informer la femme de la présence éventuelle d’une malformation de son fœtus. Munie de cette information, la patiente peut alors décider de la poursuite ou de l’interruption de sa grossesse.

Bilans supplémentaires

A la naissance, des examens supplémentaires doivent être réalisés. Ils ne concernent pas le risque tératogène mais ceux liés aux effets secondaires du valproate, auxquels tous les patients traités peuvent être sensibles. « Il existe par exemple un risque hémorragique, précise Isabelle Lacroix. Il faut faire un bilan de l’hémostase afin de vérifier qu’il n’y a pas de problème de coagulation, ni de troubles au niveau des plaquettes ». Un bilan glycémique s’impose aussi, le valproate pouvant générer des troubles sans gravité.

Les problèmes neurocomportementaux, quant à eux, ne sont pas détectables à l’imagerie. Une surveillance du développement psychomoteur doit se mettre en place rapidement après la naissance. Le ministère de la Santé a ainsi émis de récentes recommandations pour les « enfants Dépakine », qui peuvent se rendre dans les huit centres de référence des anomalies du développement, où ils seront diagnostiqués et suivis.

 Le cœur de la problématique Dépakine réside donc dans l’information délivrée à la patiente – élément qui semble avoir fait défaut, à en croire les nombreuses familles qui portent plainte aujourd’hui parce qu’aucun professionnel ne les a prévenues de ces risques.

Quant à ceux qui s’interrogent sur la nécessité de traiter les épileptiques avec des molécules qui comportent de tels risques, il convient de rappeler la réalité vécue par les patients. « Un patient épileptique peut perdre son permis de conduire. Il faut 12 mois sans crise pour obtenir une autorisation temporaire de conduite, rappelle Stéphane Auvin. Il peut aussi être déclaré inapte à son poste de au travail. Au delà de ces deux exemples, sa maladie peut voir des répercussions très importantes sur sa vie personnelle ».