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Demandes de retrait

Clause de conscience : la suspension ne contente pas les pharmaciens

Par Bruno Martrette

L'Ordre suspend la consultation des pharmaciens sur l'introduction d'une clause de conscience dans son code de déontologie. Les défenseurs de la contraception veulent son retrait.

GILE MICHEL/SIPA

Adressée à Isabelle Adenot, présidente du Conseil National de l'Ordre des Pharmaciens (CNOP), la pétition refusant l'introduction d'une clause de conscience dans le code de déontologie de ces professionnels a fait bouger les lignes. 

Lancé par le "Collectif de pharmaciens contre la clause de conscience", le texte a récolté près de 12 000 signatures de citoyens en à peine 4 jours sur change.org. Assez pour faire reculer l'Ordre. Dans un communiqué publié jeudi, le CNOP indique suspendre cette consultation dans la profession « devant l'émoi et l'incompréhension suscités par cette initiative ».

Le bureau de l’Ordre demandera donc au Conseil national, réuni le 6 septembre prochain, de « ne pas maintenir en l’état le projet de clause de conscience ». « Ce qui prime est le lien de confiance entre les Français et les pharmaciens », ajoute l'Ordre. L'institution ne prononce cependant pas un mot à l'égard de Laurence Rossignol, qu'elle avait pourtant attaqué violemment dans un communiqué.

Une victoire pour la ministre des Droits des femmes 

Mais la ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des Femmes n'est visiblement pas rancunière. Hier, elle s'est réjouie que l’Ordre des pharmaciens ait finalement décidé de renoncer à ce projet : « Comme j’ai eu l’occasion de le souligner, l’accès des femmes à la contraception ne peut être soumis aux aléas des convictions personnelles des professionnels ».

Elle souligne au passage que le soutien apporté à cette clause de conscience par les organisations hostiles au droit des femmes à disposer de leur corps a largement confirmé à quel point ses craintes et celles des associations étaient fondées. « C’est une sage décision qu’a prise l’Ordre des pharmaciens », conclut-elle.

Beaucoup de pharmaciens réclament le retrait définitif 

Sauf que la polémique n'est pas tout à fait éteinte. Sur la toile, de plus en plus de pharmaciens demandent le retrait pur et simple de ce projet qui menace la contraception. Deux syndicats de la profession, la FSPF et l'USPO, contactés par Pourquoidocteur partagent aussi cet avis. Philippe Besset, de la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France, indiquait par exemple que « cet article est dangereux pour la contraception des femmes, c'est une évidence. Un pharmacien pourrait par exemple s'en servir pour refuser de délivrer une pilule du lendemain à des mineures. Personnellement, je pense que dans cette situation, les pharmaciens doivent plutôt se consacrer à leur rôle d'accompagnement. La position de l'Ordre n'est donc pas la bonne manière d'adopter le sujet, bien au contraire », estimait-il.

Et ces craintes sont justifiées, car comme tout Ordre, celui des pharmaciens est encadré par l’État. Ainsi, tout projet de code de déontologie est transmis à la Ministre des Affaires Sociales et de la Santé, seule souveraine en la matière. « Nul ne peut douter de la vigilance de Marisol Touraine, de la sagesse du Conseil d’Etat et de la volonté des pharmaciens pour que les droits des femmes à la contraception et à l’avortement soient toujours et partout fermement défendus », a aussitôt rappelé Isabelle Adenot.

Sauf que la présidentielle de 2017 approche. Et personne n'est en mesure d'assurer que tous les autres candidats soient autant enclins à défendre la contraception que l'actuelle locataire de l'avenue Duquesne (Paris).

Enfin, le site Slate révèle ce vendredi qu'Eric Fouassier (1), qui a codirigé les groupes de rédaction du nouveau code, s'est dit dans le passé favorable à une clause de conscience anti-IVG pour les pharmaciens. Tout comme Isabelle Adenot en 2004, qui y voyait une discrimination par rapport aux médecins. De quoi appuyer le bien-fondé des craintes émises par les opposants à ce projet de clause de conscience...
 

(1) Professeur à l’Université Paris-Sud