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Déserts médicaux

Les médecins réservés sur les "4600 euros par mois"

Par Bruno Martrette

Insuffisante ou de pure forme, les médecins sont dubitatifs sur la proposition de la ministre de la Santé d'assurer un revenu aux jeunes diplômés dans les déserts médicaux.

RICLAFE/SIPA

Partagée mais pas emballée. C’est le sentiment qui domine dans la profession médicale moins de 24 heures après la proposition de la ministre de la Santé sur les déserts médicaux. Sur le plateau de l’émission Zone interdite sur M6, Marisol Touraine a proposé aux jeunes médecins qui s’installeront  dans les déserts médicaux de leur assurer pendant deux ans un revenu de 4600 euros par mois. Et si ces futurs praticiens ne parviennent pas à totaliser 55 000 euros par an par leur exercice, l’Etat assurera le complément. Dès 2013, a précisé la ministre, 200 postes de praticiens territoriaux de médecine générale seront ainsi créés.

« Cette proposition  s’apparente à un salaire, commente le Dr Michel Chassang, président du premier syndicat des médecins (Csmf). Il y a donc le risque de déboucher sur un salariat ».
Atteinte la médecine libérale, le slogan est lancé mais les réactions de ses confrères portent plutôt sur le montant de la somme proposée. Pour le Dr Jean-Claude Hamon, président d’un autre syndicat (FMF), « on se situe au même niveau que les médecins lituaniens ».  Si le ministre ne donne pas plus de détails sur les 55 000 euros, les médecins en exercice rappellent, qu’en moyenne, un généraliste a un revenu de 70 000 euros net par an. Du coup, le président de MG-France, syndicat de généralistes, fait ses calculs : le montant proposé représente les « 2/3 de ce que gagne un médecin généraliste et moins du tiers du revenu d’un généraliste anglais ou hollandais ». Pour le Dr Claude Leicher, « cette annonce est avant tout symbolique ».

Mais qu’en pensent les intéressés eux- mêmes ? D’une manière quasi unanime, les futurs médecins notent que cette proposition rompt avec les mesures contraignantes qui les auraient obligé à s’installer dans des déserts médicaux.
L’association nationale des Etudiants de France trouve même la proposition « raisonnable » et « va dans le bon sens ».
Les internes eux, apprécient la méthode mais restent dubitatifs sur le fond. D’abord, le montant proposé, estiment-ils,  est bien inférieur à ce que les médecins peuvent gagner dans les déserts médicaux, compte-tenu justement du rapport entre l’offre et la demande.

Mais surtout, le président du l’Isnih (1), explique que « ce n’est pas en mettant de l’argent sur la table que l’on va régler les problèmes ». Le Dr Jean-Paul Hamon (Fmf) ne dit pas autre chose en pointant du doigt la « question de la permanence des soins » c’est-à-dire l’organisation territoriale entre les médecins libéraux et les structures hospitalières. Et, selon lui, le jeune médecin  n’entend pas être le dernier arrivé quand tous les services publics ont fermé ou sont trop éloignés.  « La ministre sait que la plupart des médecins d’aujourd’hui sont des femmes, observe-t-il. Pas de crèches, pas d’école, pas de transports en public, ça ne les intéresse pas ». Même avec 4600 euros par mois.

(1) Intersyndical national des internes des hôpitaux