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Rapport de Lord Jim O’Neill

Antibiorésistance : plus meurtrière que le cancer

Par Jonathan Herchkovitch

Un rapport commandé par le Premier ministre britannique sur l’antibiorésistance estime qu’elle coûterait 10 millions de vies et cent mille milliards de dollars par an d’ici 2050.

alexraths/epictura

Les chiffres sont alarmants. Le rapport commandé il y a deux ans par Premier ministre britannique à Lord Jim O’Neill, économiste anglais, sur les risques à long terme de l’antibiorésistance, a été publié. D’après l’ancien de chez Goldman Sachs, les conséquences en 2050 de la sur-utilisation des antibiotiques seraient énormes : 10 millions de vies par an et cent mille milliards de dollars par an.

Ces décès seraient alors plus nombreux que ceux causés par les différents cancers. Trop peu de personnes sont conscientes des enjeux de la résistance microbienne aux antibiotiques, et il appelle à « une campagne mondiale et massive de prise de conscience », qui coûterait entre 40 et 100 millions de dollars par an.

Forcer la recherche pharmaceutique

Il propose également deux mesures principales pour débuter la lutte. Afin de favoriser la recherche pour de nouvelles molécules qui stagne depuis plusieurs décennies en raison d’un désengagement faute de rentabilité des antibiotiques – une seule classe a été découverte au cours des 40 dernières années, les oxazilidinones – Lord O’Neill propose qu’il soit imposé aux industriels du médicament le principe du « pay or play ». Soit les entreprises font leur propre recherche, soit ils financent les entreprises qui le font.

Une idée immédiatement rejetée par l’Association des industries pharmaceutiques britanniques (ABPI), qui estime que les efforts fournis depuis quelques années sont déjà suffisants. Les industriels investiraient déjà 3,7 % de leur budget de recherche et développement pour trouver antibiotiques et vaccins, soit 137 milliards de dollars par an.

Limiter l’excès de consommation

Autre volet de la lutte, et c’est peut-être le plus urgent : l’utilisation abusive. Il souhaite que les médecins ne puissent pas prescrire d’antibiotiques sans un test préalable confirmant le caractère bactérien des infections de leurs patients. « Nous devons arrêter de prendre les antibiotiques comme des bonbons, a-t-il déclaré. Car c’est ce que nous faisons actuellement dans le monde entier. Nous les utilisons comme dans les années 1950. » Il faudrait, pour cela, que des tests rapides soient développés, pour faciliter le tri infectieux.

Et la lutte ne doit pas s’arrêter aux traitements des humains. L’élevage animal serait en effet responsable de la moitié de la consommation mondiale d’antibiotiques, et parfois beaucoup plus dans certains pays émergents.

L’ensemble des propositions de Lord Jim O’Neill coûterait environ 40 milliards de dollars par an, « ce qui n’est rien en comparaison du coût de l’inaction, a-t-il estimé. Ce n’est qu’une fraction infime de ce que les pays du G20 dépensent par an en santé, seulement 0,05 %. »