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Entretien avec le Dr Laurent Karila

Gâteau au cannabis : "les risques sont imprévisibles"

Par Bruno Martrette

Un médecin a fait une garde à vue après avoir offert un gâteau au cannabis à ses confrères, dont 2 sont hospitalisés. Le space cake a des risques "imprévisibles", explique le Dr L. Karila. 

rbspace/epictura
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Quand l'humour carabin tourne mal ! A Lyon vendredi dernier, un médecin a été placé en garde à vue. Pour célébrer ses 67 ans, le praticien avait ramené un gâteau au cannabis, plus connu sous le nom de « space cake », confectionné par ses propres soins. Lors d'une conférence-débat sur l'hypnose organisée dans un grand hôtel, il avait ainsi partagé ce présent original avec des confrères consentants. Résultat des courses : deux d'entre eux ont dû être hospitalisés. 
« C’était une blague potache dans l’esprit soixante-huitard », a reconnu ce généraliste auprès du journal régional Le Progrès. Pourtant, son erreur est quasi professionnelle puisque les dangers associés à ce met devraient être connus d'un professionnel de santé. Contacté par Pourquoidocteur, le psychiatre-addictologue Laurent Karila (1), porte-parole de SOS Addictions, les détaille.

Quels sont les risques encourus en consommant un space cake ?
Dr Laurent Karila : La consommation orale de cannabis, sous forme de gâteaux, de muffins ou de cookies, est très peu répandue. Les effets sont plus imprévisibles que lorsque le cannabis est fumé, car l’usager n'a aucune idée de la dose ingérée.
Les effets recherchés sont le bien-être, l’euphorie, la sédation, mais il peut y avoir des effets indésirables, non prévus (anxiété, crise d’angoisse, dépersonnalisation, hallucinations, etc.) Ils se ressentent alors subitement, au bout d'une heure en moyenne, et peuvent durer jusqu'à 24 heures, selon le dosage.
Par contre, il n’ y a pas de données scientifiques sur l’addiction au cannabis via les space cake.

Pour ceux qui s'y risqueraient, quelle est la dose toxique ?
Dr Laurent Karila : Il n’y a pas de dose seuil (toxicologique) et le risque n’est pas prévisible. Les effets sont très inter et intra-individuels. Lorsqu’il est mangé, le cannabis agit quelques heures plus tard et peut donc surprendre le consommateur par l’intensité de ses effets. Il y a également un risque de consommer plus qu'on ne le souhaiterait.

De quoi souffrent les personnes qui tombent malades après en avoir mangé ?
Dr Laurent Karila : Des effets indésirables psychoactifs du Δ9 - tétrahydrocannabinol (THC) sur le cerveau. Ses manifestations sont larges : troubles de la mémoire, de la concentration, hallucinations, crises d'angoisse, effets parano, confusion, perturbation de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle, nausées, vomissements, vertiges...

 

Faut-il transporter directement ces patients aux Urgences ?
Dr Laurent Karila : Il y a deux principales situations. Premièrement, la personne devient très pâle, se sent mal, a des vertiges, des nausées et peut même vomir. Dans ce cas, il faut l’isoler au calme, à l’air frais. Veillez à ce qu'elle reste bien assise, qu’elle mange un aliment sucré et/ou qu’elle boive un peu d’eau fraiche. Il faut la surveiller et appeler un médecin ou aller aux Urgences
L’autre situation est la crise de panique (avec des angoisses, une peur d’étouffer ou d'avoir une sensation de mort imminente, des sueurs, une pâleur, l'accélération du rythme cardiaque, etc.) ou de paranoïa (impression que l’on nous veut du mal, et que tout est concentré sur nous). Cela peut être impressionnant, il faut ici isoler au calme la personne et la rassurer, tout en appelant un médecin ou en la conduisant aux Urgences.

Pour tenter d'expliquer son imprudence, le médecin a confié aux forces de l'ordre avoir utilisé du beurre de cannabis pour réaliser son space cake. Un ingrédient aussi toxique qu’indigeste parfois. Il a donc été mis en examen pour cession offre et transport de stupéfiants et fera l’objet d’une CRPC (Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité). Une amende lui sera sans doute prescrite par le procureur de la République. 

 

(1) Auteur de "Votre plaisir vous appartient", éditions Flammarion, sortie le 1er Juin