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Multiplication des affaires de stupéfiants : l'échec de la politique française

Par Stéphany Gardier

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Les infractions à la législation sur les stupéfiants (ILS) auraient fait un bond remarquable entre une vingtaine d’années. C’est ce que révèle le dernier rapport de l’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) publié ce mercredi. Si la cocaïne est impliquée dans la moitié des affaires de trafic international depuis le début des années 2000, c’est encore une fois le cannabis qui est au centre du rapport. Sur la période étudiée, 70 % à 90 % des affaires concernent en effet cette drogue. Interviewé par Le Parisien, le chef de l’ONDRP livre son analyse et souligne une nouvelle fois l’inefficacité de la politique française sur cette question.

L’ampleur des chiffres peut surprendre. Mais Christophe Soullez tient à les modérer d’emblée. Certes la multiplication des affaires est un reflet d’une certaine augmentation des consommations de stupéfiants dans l’Hexagone, mais elle est surtout le fruit de la politique policière mise en place par les différents gouvernements en matière de lutte anti-drogue. Les chiffres seraient en partie gonflés par le nombre important des affaires d’ « usage simple » relevées sur la période : elles ont en effet été multipliées par 5 en 20 ans. « S’attaquer aux simples usagers est une manière de faire grimper les chiffres d’élucidation. Certains ont pu être tentés de multiplier les interpellations pour faire valoir un bon bilan », n’hésite pas à commenter Christophe Soullez. Il souligne néanmoins que les arrestation de consommateurs sont aussi souvent le premier pas pour remonter une filière.

Quant à expliquer cette flambée des affaires liées au cannabis, là aussi le chef de l’ONDRP tempère les chiffres : de plus en plus de consommateurs n’hésitent pas à fumer sur la voie publique, rendant ainsi bien plus aisée leur interpellation par les forces de l’ordre. Les affaires d'usage simple ont ainsi été multipliées par 7 pour cette seule drogue. Le rapport révèle que les personnes en infraction sont majoritairement des hommes, mais les récidives semblent rares : près de 70 % des interpellés ne l’ont été qu’une seule fois au cours des 20 ans de suivi.

 

Pour Christophe Soullez ce rapport met cependant à nouveau le doigt sur le manque d’efficacité de la politique française en matière de drogues : alors que notre législation est la plus répressive d’Europe, le nombre de consommateurs ne baisse pas. Le chef de l’ONDRP est catégorique : la législation française est dépassée, et s’il ne prône pas la légalisation, il lui semble évident qu’aujourd’hui l’usage de cannabis devrait faire l’objet d’une simple contravention : « ça touche au portefeuille et c’est rapide ».

 

A quelques jours de la réunion internationale sur les politiques en matière de drogues (UNGASS) qui aura lieu à New-York, se tiennent à Paris les premières auditions publiques sur la réduction des risques et des dommages liés aux conduites addictives. Les addictologues français devraient, une nouvelle fois, y démontrer comment cette politique de réduction des risques, déjà adoptée par de nombreux pays, est plus efficace en matière de lutte contre les drogues, que le « tout répressif » si cher à la France.