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Dans des conditions strictes

Germanwings : les médecins de l'Air préconisent la levée du secret médical

Par Marion Guérin

Un an après le crash de la Germanwings, le BEA recommande une levée du secret médical pour les pilotes à risque. 

Frank Augstein/AP/SIPA

Un an plus tard, le crash de la Germanwings suscite toujours des interrogations sur les procédures de sécurité. Ce dimanche, le BEA (Bureau d'Enquêtes et d'Analyses) de l’Aviation Civile a rendu son rapport final d’enquête sur le suicide du copilote Andreas Lubitz, qui a entraîné dans sa mort 150 personnes le 24 mars 2015.
Rien de tout à fait nouveau dans ces pages, qui reviennent sur les conditions entourant ce drame et sur les failles qui ont pu permettre au jeune copilote de commettre cet acte. Le jour du crash de l’avion, Andreas Lubitz était en arrêt maladie – information qui n’a pas été transmise à l’employeur. Dans les mois précédant ce geste, il avait vu des dizaines de médecins, dont certains lui ont diagnostiqué des psychoses.

Des dérogations encadrées

Pour pallier ce défaut de communication, le BEA recommande ainsi la levée du secret médical, dans certains cas précis et de manière très encadrée. Les experts de l’aviation demandent ainsi que l’OMS et l’Union Européenne définissent des règles claires permettant de déroger, si nécessaire, à la règle du secret médical.

« Ce serait contre-productif, a réagi le responsable de la section éthique du Conseil de l’Ordre des Médecins, Jean-Marie Faroudja. Des dérogations sont déjà prévues, il faut utiliser les règlementations existantes. Si on brise le secret médical, on risque de perdre la confiance du patient qui craindra d’exprimer ses maux ».

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Jean-Marie Faroudja, responsable de la section éthique de l'Ordre : « Si un patient se présente avec une arme et menace de s’en servir, le médecin est tenu d’informer les autorités compétentes »

Les pilotes ne déclarent pas leurs troubles

De fait, la proposition divise les médecins. Ceux qui pratiquent dans l’aéronautique et délivrent aux pilotes les certificats d’aptitude au vol, semblent plutôt favorables. « Sur les emplois de sécurité, il faut introduire davantage de perméabilité entre le dossier médical et l’employeur, estime Henri Marotte, vice-président de la Société française de médecine aérospatiale. Le doute doit bénéficier au passager ».

Mieux que quiconque, ces « médecins de l’air » savent à quel point les entretiens sont biaisés par la tendance des pilotes à minimiser toute manifestation clinique anormale, pour ne pas se voir refuser le certificat d’aptitude. « Ils ne nous disent rien, ils ne révèlent que ce qu’ils ne peuvent pas cacher », explique Henri Marotte. Une levée partielle du secret médical permettrait une transmission des informations entre médecins traitants et praticiens des antennes médicales. Quant à l’employeur, « il doit pouvoir être informé qu’un pilote est en arrêt de travail ».

Mais jusqu’où aller dans la divulgation des informations ? Lesquelles fournir ? L’exécution des recommandations du BEA ne sera pas une mince affaire. Si le crash de la Germanwings a mis l’accent sur les troubles psychiatriques, bien d’autres pathologies peuvent entraîner une inaptitude au vol – hypoglycémie des diabétiques, risque d’infarctus des patients coronariens…

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Henri Marotte, président de la Société Française de Médecine Aérospatiale : « Le BEA a insisté sur la différence entre pathologies psychiques et physiques pour définir un risque chez les pilotes »

Un cadre à définir

Des règles claires devront en tout cas voir le jour. « Il faudra que cette possibilité de lever le secret médical se fasse avec le consentement de l’employé et soit clairement dans son contrat de travail », alerte Antoine Pelissolo, chef du service psychiatrie au CHU Henri Mondor.

Selon ce médecin, président de l’Association française des troubles anxieux et de la dépression, il ne s’agira pas de transmettre des informations confidentielles. « Aucune information sur la nature du trouble ou des risques ne doit être fournie. Il n’y aura pas de données qualitatives, mais seulement une notification sur l’existence d’un risque ou d’un arrêt maladie ». D’ailleurs, sur le terrain, ce système d’alerte est déjà en marche ; un cadre légal permettrait de standardiser ces procédures et de les sortir de la seule appréciation du médecin.

« Aujourd’hui, c’est le pilote de la Germanwings, mais demain, ce sera le conducteur du TGV, puis le petit vieux avec sa cataracte qui conduit toujours sur l’autoroute », soulève Jean-Marie Faroudja… qui ne croit pas si bien dire. Selon nos informations, la SNCF serait elle aussi en train de mettre en place un renforcement du contrôle médical des conducteurs de train.