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Rapport d’étape de l’Igas

Essai clinique à Rennes : 3 erreurs de Biotrial dans la gestion de crise

Par Audrey Vaugrente

Le laboratoire Biotrial n'a pas commis de faute dans l'organisation de l'essai clinique, mais il a mal géré la crise qui a suivi l'hospitalisation de six de ses volontaires.  

WITT/SIPA

Biotrial n’a pas commis d’erreur dans le protocole de l’essai clinique qui a entraîné l’hospitalisation de six personnes – dont le décès d’une d’entre elles – début janvier. En revanche, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a mis en lumière plusieurs manquements majeurs dans sa gestion de la crise. Son rapport d’étape a été remis ce 4 février à la ministre de la Santé, Marisol Touraine. Les experts n’ont pas encore pu déterminer les causes directes de l’accident survenu à Rennes (Ille-et-Vilaine).

Le protocole organisé par Biotrial est resté conforme à la réglementation tout au long de l’essai clinique. Mais la mission de l’Igas émet trois réserves à ce sujet : les règles en question ne permettent pas aux autorités sanitaires d’accéder à des informations exhaustives, certaines dispositions du protocole manquent de précision et les habitudes de consommation de substances psychoactives auraient pu être approfondies (voir encadré).

Un essai arrêté trop tard

C’est la gestion de l’incident qui fait l’objet des critiques de l’Igas. Selon les experts, le laboratoire ne s’est pas suffisamment informé de l’état de santé du volontaire hospitalisé. Mais surtout, aucune procédure interne n’était prévue pour ce genre de situation. Résultat : le 11 janvier, au lendemain de l’hospitalisation du premier patient, la molécule a été de nouveau administrée aux volontaires. « La mission conclut donc que le laboratoire ne s’est pas donné les moyens qui lui auraient permis de décider de la poursuite ou non de l’essai clinique », a déclaré la ministre.

Biotrial se défend de cette accusation dans un communiqué. Il y souligne avoir reçu des nouvelles « rassurantes » de la part du CHU, qui ne justifiaient pas l’interruption de l’essai. « A 9 h, le centre Biotrial apprend que le volontaire hospitalisé passe une IRM et à 10 h qu’il aurait fait un AVC », précise le communiqué. L’essai est alors interrompu.

Une surveillance de proximité

Les cinq volontaires hospitalisés pendant leur participation à l’essai clinique, organisé par le laboratoire portugais Bial, sont rentrés chez eux. Le dernier a rejoint son domicile le 2 février, a révélé le Directeur Général de la Santé Benoît Vallet. Tous feront l’objet d’une réévaluation médicale au CHU de Rennes à la fin du mois de février et certains bénéficient d’un suivi de proximité. « Les médecins estiment prématuré de ce prononcer quant à leur guérison définitive », a déclaré Marisol Touraine.

Outre ces patients hospitalisés, 90 personnes ont été contactées par le laboratoire Biotrial – dont 24 ont été exposés à des doses qui laissaient craindre la survenue d’effets indésirables. 75 volontaires ont passé une IRM. « A ce stade, les anomalies cliniques et radiologiques présentes chez les patients hospitalisés n’ont été retrouvées chez aucun autre volontaire », a souligné la ministre de la Santé.

Des volontaires peu informés

Mais ce n’est pas le seul manquement que relève l’Igas. Les volontaires inclus dans l’essai clinique n’ont pas été informés de l’incident survenu la veille. Ils n’ont donc pas pu donner leur consentement éclairé. « Les volontaires qui avaient été maintenus sous surveillance médicale stricte ont été tenus informés en temps réel par Biotrial des éléments dont disposait le centre », objecte le promoteur d’essais cliniques, qui reconnaît tout de même ne pas avoir prévu de recueillir un nouveau consentement des volontaires en cours d’essai.

Dernier reproche, et pas des moindres : Biotrial a averti trop tard les autorités sanitaires de l’accident. La notification n’a été envoyée que le 14 janvier, soit 4 jours après la première hospitalisation, et 3 jours après la décision d’interrompre l’essai. « La gravité de l’événement survenu constitue un fait nouveau susceptible de compromettre la sécurité des volontaires », a rappelé Marisol Touraine. L’incident aurait donc dû être déclaré immédiatement à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Une critique déjà émise par la ministre en janvier.

Trois évolutions réclamées

La réglementation qui encadre les essais cliniques ne devrait pas évoluer dans l’immédiat, et les conclusions définitives de l’Igas ne seront pas rendues avant la fin du mois de mars. Mais Marisol Touraine a pris les devants et a demandé aux promoteurs d’essais cliniques trois améliorations de leurs pratiques. La première consiste à systématiser la suspension immédiate des études lorsqu’une hospitalisation survient et l’avertissement direct des autorités sanitaires.

La ministre de la Santé demande aussi que les volontaires soient informés de manière claire des motifs de suspension d’un essai et qu’en cas de reprise de celui-ci, leur consentement éclairé soit recueilli de nouveau.

« Je vais proposer à la Commission européenne la mise en place urgente d’un comité d’experts internationaux pour renforcer la protection des volontaires sains dans les essais cliniques », a-t-elle conclu.

Des questions trop floues ?

« La mission estime que les conditions de recrutement et d’admission dans l’essai auraient pu être plus rigoureuses pour certains critères », tranche l’Igas dans son rapport d’étape. L’Inspection souligne notamment le traitement hétérogène des substances psychoactives dans les critères d’inclusion ou d’exclusion de l’essai clinique. Dans le cas du cannabis, particulièrement, la consommation régulièrement n’est pas recherche au-delà de 6 mois. Et les tests réalisés permettent de détecter une consommation récente, mais omettent les volontaires qui ont interrompu leurs habitudes pour intégrer l’essai.

« Comme nous sommes dans un système lié aux endocannabinoïdes, il semble logique qu’ils miroitent ou non avec la prise de substances psychoactives, souligne le Directeur Général de la Santé, Benoît Vallet. La mission estime que la question aurait dû être posé dans des termes plus précis. »

Ecoutez...
Benoît Vallet, directeur général de la santé : « Au regard du fait qu'il s'agissait du système endocannabinoïde, la question a été posée d'une précision supplémentaire par rapport aux substances psychoactives en général. »