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Entretien avec le Pr Atul Pathak

Attentats : des maladies cardiaques en hause chez des adultes jeunes

Par Bruno Martrette

En janvier 2015, la France a été marquée par une vague d'attentats, les cardiologues d'une clinique à Toulouse ont enregistré 75 % d'hospitalisations en plus. En cause, le stress. 

Francois Mori/AP/SIPA
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Ils sont moins évoqués que le tabac ou l'alcool, mais un tremblement de terre, la guerre ou encore un match de football peuvent augmenter les événements cardiovasculaires dans les zones concernées ou même éloignées.
A cela s'ajoute les attentats, qui, comme l'an dernier, ont rythmé péniblement la vie des Français. Ceux perpétrés en janvier 2015 à Paris (Charlie Hebdo, Hyper Cacher, etc.) ont entraîné des impacts cardiaques considérables et ignorés jusqu'à présent. Des résultats inédits publiés dans la revue Clinical Research in Cardiology 2016.

C'est en effet ce que révèle une étude menée par des cardiologues de la Clinique Pasteur à Toulouse. Sous l’impulsion du Pr Atul Pathak, ces médecins ont analysé les données d’activité du centre de la douleur thoracique de l’établissement sur janvier 2015 dans l’hypothèse que le stress émotionnel aurait pu engendrer un taux accru d’admissions pour des problèmes cardiovasculaires liés.

Résultat, ce mois-là, 346 patients ont été admis dans leur Centre (ouvert 7j/7 24h/24), dont près de la moitié ont été hospitalisés. Ces chiffres sont beaucoup plus élevés lorsque l'on compare les trois jours des attentats (7, 8 et 9 janvier 2015) aux mêmes jours de l’année 2014. Ramenés à la journée, l'équipe a enregistré 75 % de patients hospitalisés en plus ! Interrogé par Pourquoidocteur, le Pr Atul Pathak remonte le fil de ces jours pas commes les autres.

Comment vous est venue l'idée de mener ces travaux ?
Pr Atul Pathak : Le médecin qui était de garde le matin du 7 janvier m'a dit : "c'est bizarre, j'ai l'impression qu'on travaille beaucoup plus aujourd'hui". Tout est parti de là, c'est comme ça qu'on a lancé l'étude. Et les résultats ont été sans appel : il y a eu un pic d'activité pendant ces 3 jours de terreur puis elle est revenue à la normale à la fin des évènements.

Quels étaient les motifs de consultation ?
Pr Atul Pathak : Durant ces 3 jours d'attaques terroristes, on a relevé une augmentation significative des hospitalisations pour des infarctus du myocarde (+ 180 %), des arythmies cardiaques symptomatiques, et de l'insuffisance cardiaque (+ 86,7 %). On sait que ces trois entités cliniques sont liées à l'hyperactivité sympathique.
Pour l'insuffisance cardiaque, ces personnes étaient déjà malades mais le stress a entraîné chez elles des décompensations cardiaques.
Plus troublant encore, on a eu deux cas de syndrome de tako-tsubo qui est une insuffisance cardiaque déclenchée par le stress. Ces gens ont développé ce type d'anomalie alors qu'ils avaient un coeur strictement normal avant les attentats de janvier.

Les patients ont-ils verbalisé leur stress ?
Pr Atul Pathak : Oui, ces gens ont raconté qu'ils étaient devant leur télévision au moment où ils ont ressenti la douleur. Certains nous disaient qu'elle est arrivée à l'instant où les forces de l'ordre ont attaqué l'Hyper Cacher, d'autres quand les médias ont révélé l'identité des terroristes : les frères Kouachi ou Amedy Coulibaly. La description et la survenue de la douleur correspondaient souvent à l'annonce d'un nouvel évènement par les journalistes.
Les gens un peu sensibles du coeur devraient donc prendre un peu de recul par rapport aux actualités liées au terrorisme. C'est un conseil que je leur donne. 

Quel était l'âge des patients ?
Pr Atul Pathak : On a vu quand même une moyenne d'âge, pour chacune de ces trois catégories d'admission, beaucoup plus jeune qu'à l'accoutumée. L'âge moyen d'un infarctus, c'est autour de la soixantaine, une décompensation cardiaque, 70 ans. Là, on eu des tranches d'âge, en moyenne, de 10 ans moins importante que celles attendues. Notre hypothèse est que la génération touchée a, au cours de sa vie, très peu été confrontée à ce type de stress. Je parle de celui lié à la guerre ou aux attentats terroristes.

Comment vont donc réagir les générations futures ?
Pr Atul Pathak : Pour les jeunes qui ont moins de 30 ans aujourd'hui, il y aura malheureusement un effet d'habituation. C'est ce qu'on constate dans un pays habitué au terrorisme, Israël. Des études sérieuses y ont montré que les attentats ou attaques terroristes ont entraîné une hausse des admissions les premières années.
Mais ces taux ont connu par la suite un émoussement, sûrement parce que l'être humain développe des mécanismes de protection pour ne pas être sensible à ce type d'agressions.
De notre côté, on constate déjà cela dans nos prochains travaux qui ont suivi les attentats du 13 novembre 2015. On a enregistré de nouveau un pic d'admission pendant cette période mais moins important que lors de la première vague d'attentats de 2015...