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Pharmacie

Les médicaments périmés ne sont pas tous bons à jeter

Par Cécile Coumau

Officiellement, un médicament a une durée de vie limitée, entre 3 et 5 ans. Selon une étude récente, certains produits seraient pourtant efficaces alors qu'ils sont périmés depuis plus de 40 ans.

DURAND FLORENCE/SIPA

Lorsqu’un médicament est périmé on le jette, ou mieux encore, on le rapporte à son pharmacien pour qu’il soit recyclé. D’après une étude étonnante publiée dans la revue scientifique « Archives of Internal Medecine », il semble que l’on pourrait les conserver un peu plus longtemps. Ils seraient même utilisables une quarantaine d’années après la date d’expiration. Cet âge canonique peut surprendre quand on sait que la date de péremption n’excède généralement pas 5 ans.
Cependant, il faut préciser que ces données ne concernent que certaines molécules. Ces chercheurs ont analysé 8 médicaments contenant 15 substances actives différentes, notamment de la codéine, des amphétamines et de l’aspirine, le tout dans leur emballage d’origine non ouvert. Sur les 14 composés analysés, 28 ans après la date de péremption, 12 d’entre eux avaient conservé 90% du principe actif tel qu’il était inscrit sur l’étiquette d’origine. Pour 8 substances c’était toujours le cas, 40 ans après la date d’expiration.
Si surprenante que soit cette étude, elle confirme des données antérieures. Il y a quelques années, la FDA, autrement dit l’Agence du médicament américaine, avait passé au crible 96 médicaments, 84% étaient encore stables 57 mois après la date de péremption, donc presque 5 ans plus tard.

Alors, pourquoi y a-t-il une telle différence entre les résultats de ces études et les dates de péremption officielles ? En fait, pour savoir combien de tems un produit est utilisable, les laboratoires mettent les médicaments dans des conditions de conservation très défavorables : chaleur, humidité, tout y passe et ils regardent comment le produit résiste à cette météo très défavorable. Et ce scénario catastrophe n’est pas le plus probable.


Ecoutez le Pr Bernard Bégaud
, professeur de pharmacologie à Bordeaux : "Souvent les médicaments sont conservés à 20°. Donc, ils résistent beaucoup plus longtemps que la date de la péremption ne l'indique."



Du côté des pharmaciens, on estime que ces études de dégradation sont tout à fait pertinentes. « C’est vrai que l’on va soumettre les médicaments à des températures ambiantes pouvant aller jusqu’à 50°, explique le Pr Michel Doly, pharmacien hospitalier au Centre de lutte contre le cancer de Clermont-Ferrand. Certes, il est peu probable que nous atteignions de tels sommets dans nos contrées mais si une palette de médicaments reste malencontreusement à la rage du soleil, le thermomètre peut grimper. »


Ecoutez le Pr Michel Doly
, pharmacien hospitalier au Centre de lutte contre le cancer de Clermont-Ferrand : "On teste la stabilité du médicament lorsqu'il est placé bouchon en bas. Cela peut paraître bizarre mais c'est pertinent."



Quels sont les médicaments les plus fragiles ? Si la date officielle de péremption est bien en-deçà de la dégradation réelle du médicament, c’est aussi pour une autre raison. En fait, la date officielle indique qu’un médicament est utilisable jusqu’à cette date mais pas forcément qu’il ne l’est plus après… C’est une forme de garantie. Par ailleurs, les pharmaciens insistent sur un point : un médicament ne se réduit pas à son principe actif. La stabilité du produit dépend aussi des excipients et de la forme galénique. Autrement dit, un comprimé, un sirop ou une ampoule injectable ne peuvent pas avoir la même durée de vie.
Les plus fragiles sont les médicaments liquides et sucrées. Donc, on pense immédiatement aux sirops. Les collyres pour les yeux ont aussi une tendance à se dégrader plus vite. Pas tellement à cause de la température ou de la lumière mais en raison des risques de contamination microbienne. En revanche, « les formes solides de produits chimiques simples comme la codéine ou l’aspirine peuvent se conserver des années », estime Bernard Bégaud. La nature même du principe actif a aussi un impact sur la durée d’utilisation d’un médicament.


Ecoutez Michel Doly :
« Un médicament d’origine biologique, comme un vaccin, a une durée beaucoup plus limitée qu’un médicament d’origine chimique. »



Les conditions de conservation jouent évidemment un rôle central puisque les médicaments ont quatre ennemis : l’eau, l’oxygène, la lumière et la température. La salle de bains n’est donc pas le meilleur endroit pour accrocher son armoire à pharmacie puisque c’est la pièce où le taux d’humidité est le plus important. On n’est pas sous les Tropiques mais presque. Pour éviter d’être agressé par la lumière et l’oxygène, il faut aussi veiller à ne pas dégrader l’emballage. D’ailleurs, la date de péremption ne vaut que si l’emballage est intact.

Mais quel est le risque à dépasser la date de péremption ? Les avis sont partagés. Certains considèrent que le seul danger, c’est une petite baisse d’efficacité de la molécule. Pour le Pr Michel Doly, « le risque de toxicité existe bel et bien. Un médicament périmé peut donner naissance à des produits de dégradation, plus dangereux que le médicament lui-même. » Par ailleurs, en cas problème, le laboratoire ne pourra pas être tenu responsable si la ligne jaune a été franchie.

En revanche, pour les auteurs de l’étude parue dans la revue Archives of internal médecine, accorder des délais de péremption plus longs pour les médicaments les plus stables pourrait avoir un intérêt économique. On estime qu’un tiers des médicaments vendus sont jetés sans avoir été utilisés.