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Orthokératologie

Myopie: porter des lentilles la nuit pour voir le jour

Par Mathias Germain avec Afsané Sabouhi

Corriger les petites myopies chaque nuit par le port de lentilles, c’est le principe de l’orthokératologie. Très prisée par les Asiatiques et les Anglo-saxons, cette technique commence à convaincre les ophtalmos français.  

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40% des Français souffrent de myopie à divers degrés. Leur œil trop allongé conduit l’image d’un objet lointain à se former non pas sur leur rétine mais devant. Leur vision de loin est donc floue tandis que leur vision de près reste normale. Jusqu’ici, deux solutions s’offraient aux myopes : corriger le défaut par le port de lunettes ou de lentilles de contact ou l’opérer par chirurgie au laser.
Mais une autre méthode de correction fait depuis peu son apparition en France : l’orthokératologie ou remodelage cornéen. Il s’agit de ne porter que la nuit des lentilles dont la forme, plate au centre et bombée en périphérie, permet de modifier temporairement la courbure de la cornée. La couche protectrice la plus extérieure de la cornée est composée de cellules mobiles qui se renouvellent rapidement. Par l’action des lentilles d’orthokératologie, elles sont en quelque sorte chassées du centre vers la périphérie, ce qui amincit la cornée en son centre et provoque au matin l’effet recherché pour corriger la myopie, à savoir une cornée moins courbe.

 

Ecoutez le Dr Phateam Lim, chirurgien ophtalmologiste à Hendaye (64) : « Les cellules reprennent progressivement leur place naturelle et la myopie revient le soir »
 

L’orthokératologie permet de corriger ainsi des petites et moyennes myopies, jusqu’à -4 dioptries. La correction peut également être différente de part et d’autre du centre de la cornée. Ce qui permet de corriger aussi l’astigmatisme, un défaut de la cornée qui lui donne une courbure de ballon de rugby au lieu de sa courbure sphérique normale.
Cette méthode apporte une alternative à la chirurgie pour tous ceux qui veulent abandonner lentilles et lunettes le jour mais ne souhaitent pas ou ne peuvent pas passer par la case chirurgie. Et ils sont nombreux, à commencer par tous les jeunes dont la myopie n’est pas encore stabilisée.

Ecoutez le Dr Phateam Lim : « Pour les jeunes, les gens à qui la chirurgie est contre-indiquée ou certains sportifs, c’est un vrai avantage »



L'avantage serait double chez les plus jeunes car le port de ces lentilles nocturnes freinerait l'évoluion de la myopie. Une étude inernationale en cours devrait permettre de confirmer cette observation clinique.

Une technique longtemps rejetée en France
L’orthokératologie est loin d’être nouvelle. Elle existe depuis une trentaine d’années et est aujourd’hui particulièrement développée par les Anglo-saxons et les Asiatiques, très concernés par la myopie. Les premières générations de lentilles d’orthokératologie ont plutôt suscité le rejet des ophtalmologistes français. « J’ai moi-même été l’exemple type du chirurgien réfractaire à cette méthode, confie le Dr Lim. Je trouvais ça dangereux de chercher à déformer la cornée mais en réalité c’est du remodelage temporaire d’un tissu qui est naturellement mobile ». La crainte des infections liées au port de ces lentilles reste toutefois bien présente.

Ecoutez le Dr Franck Earith, chirurgien ophtalmologiste au Vésinet (78) : « Porter toutes les nuits des lentilles inadaptées peut entrainer des complications infectieuses ».

 

Il semblerait que les dernières générations de lentilles évitent ce problème, sous réserve d’une hygiène stricte lors de la manipulation, comme pour tout porteur de lentilles de contact. Les ophtalmos disposent également d’outils de plus en plus précis pour analyser la surface de la cornée ce qui permet de faire des lentilles sur-mesure. « Ce qui était encore une pratique marginale et contestée en France il y a quelques années est en passe de devenir un vrai sujet d’intérêt », note le Dr Jean-Bernard Rottier, président du SNOF, le syndicat national des ophtalmologistes de France. Une vingtaine de spécialistes sont aujourd’hui formés à la technique et le premier congrès qui lui était consacré l’été dernier a réuni 150 participants.
Si l’orthokératologie semble en passe de convaincre les ophtalmologistes français, les myopes pourraient toutefois être dissuadés par son coût de l’ordre de 500 à 800 euros par an, pour le moment à leur charge exclusive.