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Projet de loi

Assistance sexuelle : une association réclame une exception au proxénétisme

Par Anne-Laure Lebrun

ENQUETE - L'accompagnement sexuel n'a toujours pas de cadre légal en France. Les personnes handicapées doivent donc bien souvent faire appel à des travailleurs du sexe non formés. Lasse de cette situation, une association organise ses propres formations. 

Marcel Nuss à Merkwiller-Pechlbronn le 27 juin 2015 - Anne-Laure Lebrun/Pourquoidocteur
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Créée en septembre 2013 par Marcel Nuss, « têtard à tuba » comme il se décrit lui-même dans son autobiographie (1), l’APPAS a pour vocation de former des accompagnants à la vie affective, sensuelle et/ou sexuelle des personnes en situation de handicap. L’association est la seule en France à proposer ce type de formation et en a déjà organisé deux. Ailleurs en Europe, comme en Allemagne, en Suisse ou aux Pays-Bas, les formations et les accompagnants bénéficient d’un cadre légal.


Dénoncer l'hypocrisie

« D’un côté, on verse une larme pour "ces pauvres petits handicapés" qui ne peuvent pas accéder à leur sexualité, mais de l’autre, on pousse des cris d’orfraie à l’idée qu’on les laisse explorer leur sexualité et découvrir leur corps par le truchement d’un service payant qui relève donc d’une certaine forme de prostitution », déclare sans détour Marcel Nuss, président de l’APPAS.

Les choses sont claires pour l’association : tout travail mérite salaire. L’APPAS conseille même à ces accompagnants le tarif de 150 euros pour 1h30. Elle va même plus loin. Elle s’occupe de mettre en relation l’accompagnant et la personne handicapée, libre ensuite aux deux d’accepter ou non le rendez-vous.

 

Ecoutez...
Marcel Nuss, président de l'association pour la promotion de l'accompagnement sexuel (APPAS) : « Aujourd’hui, moi je suis proxénète bénévole, ce que j’assume. Puisque la société est en retard, je préfère être en avance. »

Une association proxénète aux yeux de la loi

De fait, les définitions de la prostitution et du proxénétisme apparaissent clairement. Mais en France, la prostitution n’est pas réprimée. En revanche, le proxénétisme est interdit. L’APPAS pourrait donc être poursuivie par la justice. « Une vitrine inespérée pour l’association si cela arrivait », s’amuse Jill Nuss, secrétaire de l’association et épouse de Marcel Nuss.

« Mais étant donné que l’activité de l’APPAS est tout sauf de la traite des êtres humains, nous voulons que l’activité des associations comme l’APPAS soit encadrée, transparente et qu’à ce titre, elles aient un agrément, explique Me Catherine Zorn, avocate de l’APPAS. Ainsi, de même qu’il existe des agréments pour les associations de malades, il y en aurait pour les associations favorisant l’accompagnement sexuel ». Celles-ci seraient donc des exceptions à loi interdisant le proxénétisme. 

 

Ecoutez...
Jill Nuss, secrétaire de l'Association pour la promotion de l'accompagnement sexuel (APPAS)  : « Au même titre qu’une maman qui va voir son enfant en grande souffrance et qui va faire appel à un travailleur de sexe, cette maman peut aller en prison pour proxénétisme. Au même titre qu’un directeur d’établissement qui va accueillir un accompagnant sexuel. »


40 députés silencieux 

Pour soutenir sa démarche, l'association et l'avocate strasbourgeoise ont rédigé un projet de loi, puis l'ont envoyé à une quarantaine de parlementaires, dont des anciens ministres comme Cécile Duflot (EELV) ou Benoît Hamon (PS), le président de l’Assemblée Claude Bartolone (PS) et des figures de l’opposition comme Alain Juppé ou Nathalie Kosciusko-Morizet (Les Républicains).

Ce texte propose également que « la loi entre en vigueur le 1er janvier 2017 ». Un cadre juridique loin de devenir réalité au vu du manque d’enthousiasme des destinataires. Un mois après avoir reçu le texte, un seul député, Sergio Coronado (EELV), a indiqué qu’il allait étudier le dossier. Rien depuis lors. Les autres ont soit accusé bonne réception du mail ou ne l’ont tout simplement pas ouvert. Un silence qui en dit long sur ce sujet de société qui touche peu de personnes mais qui en dérange un grand nombre.


(1) En dépit du bon sens, éditions de l'Eveil, 2015.