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Amendement dans le projet de loi Macron

Publicité sur l'alcool : le monde de la santé en ébullition

Par Marion Guérin

Les députés ont adopté dans la nuit un amendement permettant d’assouplir la loi Evin qui régit la publicité sur l’alcool. Les réactions furieuses et inquiètes se multiplient.

Rafael Ben-Ari/Cham/NEWSCOM/SIPA

« J’avais prévu d’ouvrir ce discours en expliquant que la lutte contre l’addiction est une cause nationale… mais en fait, non. A mon grand regret, je ne peux pas dire cela ». A la tribune de la neuvième édition du Congrès International d’Addictologie de l’Albatros à Paris, Danièle Jourdain-Menninger, présidente de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildeca), fulmine.
 

« Faire exploser la loi Evin »

Il faut dire que le timing a de quoi faire particulièrement enrager. Alors qu’un parterre de scientifiques s’apprêtent à défiler sur scène pour présenter leurs travaux en matière d’addiction, les députés français, eux, ont voté dans la nuit un amendement au projet de loi Macron afin d’assouplir la publicité sur l’alcool.

A la Maison de la Mutualité, l’incompréhension règne. « Cet amendement scélérat n’a d’autre vocation que de faire exploser la loi Evin », accuse Danièle Jourdain-Menninger, qui veut aller plus loin dans la critique que Marisol Touraine, laquelle a déploré ce matin que « la loi Macron serve à détricoter la loi Evin ».

« La population ne perçoit pas les dommages liés à l’alcool », a martelé à la tribune Michel Reynaud, psychiatre addictologue à l’hôpital Paul-Brousse et co-organisateur du congrès. « Espérons que François Hollande saura retrouver une forme d’autorité sur la question, alors que les députés ont voté contre l’avis du gouvernement », a déclaré en écho Amine Benyamina, également addictologue à Paul-Brousse et organisateur de l’événement.
 

Promouvoir un produit toxique

De fait, du point de vue des spécialistes des drogues et des addictions, l’amendement est une aberration. D’ailleurs, la première intervention du congrès, après celle de Michel Reynaud, porte sur la connaissance qu’ont les enfants de 3 à 6 ans sur l’alcool… Et témoigne d’un produit plus que jamais normalisé dans l’esprit de cette jeune population.

Dans un communiqué, l’Institut National du Cancer dénonce justement les ravages de la publicité liée à l’alcool. « Une analyse de plus de 13 études internationales portant sur plus de 38 000 jeunes démontre le lien significatif entre l’exposition à la publicité et l’augmentation de la consommation d’alcool chez les buveurs, notamment chez les jeunes, rappelle l’INCa. L’étude montre également un lien direct entre le début de la consommation d’alcool chez des jeunes auparavant non buveurs et leur exposition à la publicité sur l’alcool. »
 

La loi Touraine « à la poubelle »

A l’unisson, la Ligue contre le cancer souligne ces chiffres : 50 000 décès annuels liés à l’alcool, dont 40 % avant 65 ans. « Il serait inadmissible, voire meurtrier, d’assouplir la loi Evin », clament les auteurs d’un communiqué, qui dénoncent un amendement tout juste bon à « banaliser, voire encourager la consommation d’alcool et favoriser le lobbying des alcooliers ».

Ainsi, les associations de lutte contre les addictions craignent le pire. « La santé publique et l'intérêt général risquent de mourir sous la pression de la recherche du profit des producteurs d’alcool, prédisent-elles dans un communiqué commun. Et les petits vignerons manipulés ne tarderont pas à réaliser qu'ils ont ouvert la porte à bien plus forts qu'eux, les industriels, seuls capables d’injecter des milliards d’euros dans le marketing de masse et les publicités. Aujourd’hui, la loi Evin est à genoux : si la loi Macron est votée en l'état, elle n’aura pas besoin d’être achevée, elle ne sera plus applicable, et tout le versant alcool de la loi Touraine partira à la poubelle. »