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+ 20 cm en 150 ans

Les Hollandais, champions du monde en taille

Par Audrey Vaugrente

Les Néerlandais sont les champions du monde de la hauteur. Ils dominent largement le reste de l’Europe et du monde. Ce serait le résultat d’une évolution.

THORTON/PICTURE PRESS EUR/SIPA
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Ils ont les tulipes, le gouda… et la palme de la nation la plus grande au monde. Les Hollandais mesurent en moyenne 1,84 mètre, les Hollandaises 1,71 mètre. Cette taille n’est pas due au hasard, selon une étude parue dans Proceedings of the Royal Society B. Elle serait plutôt le fruit d’une sélection naturelle et sexuelle.

 

La piste environnementale

En 150 ans, les Néerlandais ont pris 20 cm. Une poussée de croissance impressionnante puisque, sur la même période, les Américains n’ont grandi que de 6 petits centimètres.
Deux équipes de la London School of Hygiene & Tropical Medicine (Royaume-Uni) et de l’université de Groningen (Pays-Bas) se sont penchées sur ce phénomène. « Cette tendance séculaire s’observe dans toutes les populations d’Europe, mais elle a pris fin, ou s’est en tout cas régulée, beaucoup plus tôt qu’aux Pays-Bas », notent-ils.
Les chercheurs ont donc analysé les données de 43 600 personnes résidant au nord des Pays-Bas, âgées de plus de 45 ans, et dont les parents étaient nés dans le pays. L’objectif : découvrir le secret de la croissance nationale.

« L’une des possibilités est que la sélection naturelle agisse de concert avec des changements environnementaux, de façon à promouvoir une haute stature dans la population des Pays-Bas », supputent les auteurs de l’étude.
En effet, entre les 18e et 21e siècles, le niveau de vie s’est considérablement amélioré en Europe, sur le plan de l’alimentation comme des soins. L’environnement joue sans conteste un rôle de taille : Selon une étude parue en 1975, les enfants d’origine japonaise qui ont grandi aux Etats-Unis sont plus grands que leurs pairs restés au pays du Soleil-Levant.

 

L’influence des gènes

Mais cela ne suffit pas à expliquer l’énorme poussée de croissance des Néerlandais et des habitants d’Europe du Nord. Au 18e siècle, les Américains dominaient le monde sur le plan de la stature. Ce sont désormais les Nordiques (Pays-Bas, Danemark, Norvège, Suède, Estonie) qui prennent la tête du classement.

Les gènes entrent également en ligne de compte. Environ 180 d’entre eux ont une influence sur la taille. Ils joueraient à 80 % dans les variations de stature. Le jeu de la génétique jouerait en faveur des plus grands, selon Gert Stulp, principal auteur de l’étude. Une hypothèse qui demande à être confirmée par des analyses génétiques.

La sélection naturelle

Les auteurs de l’étude privilégient pourtant la piste de la sélection naturelle. En effet, au sein de l’échantillon, les hommes de haute taille avaient en moyenne 0,24 enfant de plus que leurs compatriotes de petite taille. Et ce alors même qu’il ont des enfants plus tardivement que les autres.
Cet effet peut sembler modeste, mais il devient significatif quand on sait que les hommes grands ont moins de risques de rester sans enfant, et ont plus de chances de trouver une partenaire. En effet, la haute stature est associée à un meilleur niveau d’éducation et de revenu, une meilleure santé… mais surtout plus d’attractivité pour le sexe opposé. Un cocktail idéal pour la reproduction qui se confirme dans les données néerlandaise : la progéniture des hommes grands survit mieux.

Fait étonnant : l’impact de la stature n’est pas le même chez les femmes. Dans ce cas, être de taille moyenne favorise la reproduction. En effet, les femmes plus grandes auraient du mal à trouver un compagnon, tandis que celles plus petites auraient plus de risques de perdre l’enfant. « Le message de cette étude, c’est que la population humaine est toujours soumise à la sélection naturelle », estime Stephen Stearns, biologiste de l’évolution interrogé par les journalistes de Science.

 

Une sélection sexuelle

Les auteurs de l’étude évoquent enfin une thèse digne de Charles Darwin : la sélection sexuelle. Les femmes opteraient pour les partenaires les plus à même de subvenir aux besoins de leur progéniture. Or, il se pourrait que les hommes grands soient plus résistants à la maladie… Une piste plus cartésienne se dessine : ces hommes, plus attirants, ont plus de chances de divorcer et de fonder une seconde famille.

Il ne s’agit, bien sûr, pas d’une vérité absolue. Une étude, également menée par Gert Stulp, a évalué l’impact de la stature sur la reproduction des habitants du Wisconsin (Etats-Unis). Entre 1937 et 1940, hommes et femmes de taille moyenne ont eu plus d’enfants que les autres… ce qui expliquerait la stagnation du pays.

Dans tous les cas, cet avantage risque de ne pas durer, concluent les auteurs de l’étude. La sélection naturelle favorise une tendance sur de nombreuses générations, avant que la situation ne se stabiliser à nouveau.