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QUESTION D'ACTU

1e cigarette

Pourquoi les ados mettent en échec la lutte anti-tabac

Les adolescents français fument de plus en plus et de plus en plus tôt. Un signe patent de l’échec de la lutte contre le tabagisme dénoncé par la Cour des comptes.

Pourquoi les ados mettent en échec la lutte anti-tabac     Une séance de sensibilisation au tabac dans une école (DURAND FLORENCE/SIPA)




Des moyens trop modestes, des dispositifs timides, des contrôles inexistants, une volonté politique émoussée… Le constat de la Cour des comptes sur la politique de lutte anti-tabac en France est particulièrement sévère. Mais les chiffres sont sans équivoque : en France, la proportion de fumeurs a chuté de 34,7% en 2000 à 31,4% en 2005 pour remonter à 33,7% en 2010. Bilan : 73 000 morts par an soit presque deux fois plus que l’alcool, les suicides et les accidents de la route réunis. Auditionné hier à l’Assemblée nationale, le Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, a souligné notamment l’inquiétante progression de la consommation de tabac chez les femmes, les personnes en situation de précarité et les jeunes. Selon l’enquête européenne ESPAD menée dans les lycées européens, en 2011, 38% des adolescents français de 15 et 16 ans déclaraient avoir fumé au moins une fois dans le mois précédent contre 30% en 2007.

A la décharge des pouvoirs publics, tous les spécialistes s’accordent sur la difficulté de la prévention à l’adolescence. « La notion de risque pour la santé n’a aucune prise sur les adolescents, qui ne se projettent pas si loin dans leur futur. Au contraire, elle peut même être contreproductive car le risque fait naître l’envie d’expérimenter », souligne le Pr Daniel Thomas, président honoraire de la Fédération française de Cardiologie. Une ambiguïté dont joue l’industrie du tabac elle-même.

 

Ecoutez le Pr Daniel Thomas, président honoraire de la Fédération française de Cardiologie : « Leur cynisme va jusqu’à créer des messages préventifs contre-productifs »



Pas question donc de laisser le champ libre aux industriels en cessant toute prévention du tabagisme dans cette tranche d’âge visiblement réfractaire. D’abord parce que les jeunes ados ont les cerveaux les plus vulnérables en matière de dépendance. Retarder de 12 à 16 ans l’âge de la 1e cigarette peut donc déjà être considéré comme un progrès.

Si la notion de risque ne parle pas aux adolescents, l’argument financier en revanche est le 1er motif qu’ils évoquent lorsqu’on leur demande, comme le fait la Fédération française de cardiologie chaque année, pourquoi ils n’ont pas persisté après leurs premières cigarettes. « Pour rendre le tabac difficile d’accès aux jeunes et aux moins jeunes aussi, il faut une augmentation massive de son prix, c’est une évidence », assène le Pr Yves Martinet, pneumologue et président du Comité national contre le tabagisme. La dernière remonte à 2003. Le prix de la cigarette avait grimpé de 40% en un an, ce qui a conduit près d’1,8 million de Français à arrêter de fumer.


Faire respecter la loi

« La France s’est dotée de lois enviées pour lutter contre le tabagisme mais encore faudrait-il qu’elles soient appliquées, regrette Yves Martinet. Les ¾ des buralistes continuent à vendre du tabac aux mineurs et à afficher des publicités. Commençons par faire respecter la loi ! »

 

Ecoutez le Pr Yves Martinet, pneumologue et président du Comité national contre le tabagisme : « 10 000 buralistes vendent encore du tabac à des enfants de 12 ans. »


En matière de loi, l’Australie est allée plus loin que le législateur français en imposant depuis le 1er décembre un paquet neutre et standardisé à tous les fabricants de cigarettes. Selon les études menées sur ce type de packaging, l’effet est particulièrement marqué chez les adolescents. « On perd l’effet attractif des paquets spécialement conçus pour plaire aux ados et pour minimiser la dangerosité du tabac. Une fois devenu moche, l’objet qui était valorisé comme signe de maturité perd de son intérêt », analyse Karine Gallopel-Morvan, maître de conférences en marketing social à l’Ecole des hautes études en santé publique.

Ecoutez Karine Gallopel-Morvan, maître de conférences en marketing social à l’EHESP : « Le packaging c’est le vendeur muet. Si on respectait vraiment la loi Evin, le paquet serait déjà neutre »


Ainsi confortés par la Cour des comptes, associations et médecins comptent beaucoup sur le gouvernement pour redonner à la politique de lutte contre le tabac l’impulsion qu’avait su lui donner Jacques Chirac dans le cadre du premier plan cancer. Pour l’heure, le ministère de la Santé a prévu une hausse légère des prix pour l’été 2013 et assure que le tabac sera l'une des priorités de la nouvelle loi de santé publique, promise pour 2013. Marisol Touraine s’est dit déterminée à « se battre pour faire en sorte d’aller vers le paquet neutre ». Reste à convaincre son collègue du Budget de suivre l’exemple australien. Cardiologue de formation et rédacteur de la loi Evin en 1990, Jérôme Cahuzac pourrait rendre Bercy sensible à l’enjeu de santé publique.

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