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L'avis de l'experte

Comment se défaire du syndrome de l'imposteur ?

Par Floriane Valdayron

Ces dernières années, la sensation de ne pas être à sa place, de ne pas mériter la valorisation des autres, a gagné en visibilité, sous le terme de "syndrome de l'imposteur". Psychologue spécialisée dans le champ de la santé et du travail, Bénédicte Pichard nous livre les clés pour comprendre d'où il vient et comment s'en débarrasser.

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- Qu'est-ce que le syndrome de l'imposteur ? 

Bénédicte Pichard : C'est la sensation de ne pas mériter les compliments, sa place ou, plus largement, la valorisation que l'on peut recevoir des autres. Comme son nom l'indique, il s'agit du sentiment d'être un imposteur, d'être quelqu'un qui n'a ni les compétences, ni les savoirs, ni les qualités qu'on lui prête.

- Quels domaines touche-t-il ? 

Globalement, je vois davantage ce phénomène sur le plan professionnel, mais il peut être très large et toucher tout type de relations. Par exemple, certains de mes patients m'ont déjà dit ne pas se sentir à leur place ou sur un pied d'égalité avec une partie de leurs amis.

- D'où le syndrome de l'imposteur vient-il ?

Chez mes patients, je constate qu'il est souvent lié à des expériences antérieures, notamment à l'enfance, une époque pendant laquelle des personnes ont pu être dévalorisées par leur famille ou par l'institution scolaire, même sans mauvaises intentions. Des comportements peuvent paraître anodins, comme de fortes attentes de la part des parents avec une reconnaissance déséquilibrée par rapport à elles, voire des remarques négatives face à des mauvaises notes, ou à un échec dans un domaine. Cela peut se traduire par des commentaires tels que : "Tu as eu 18, pourquoi pas 20 ?". Dans certains cas, cette dévalorisation peut créer un cercle vicieux. C'est l'effet Pygmalion : prédire un événement négatif à quelqu'un contribue à sa réalisation. Il arrive aussi que le syndrome de l'imposteur découle de situations beaucoup plus difficiles : des actes de maltraitance, avec des insultes et des humiliations.

- A-t-il également des causes culturelles ? 

Tout à fait ! En France, l'échec n'est pas du tout valorisé. Les remarques et les appréciations très négatives qui s'y rapportent ont un poids important. Par ailleurs, les femmes sont d'autant plus concernées : leur place dans la société joue, leur travail est moins reconnu, moins valorisé. On le voit notamment dans les métiers des soins, à majorité féminins. On considère les femmes comme étant naturellement gentilles, attentionnées, à l'écoute, donc on normalise leurs compétences, au lieu d'admettre qu'elles relèvent du domaine professionnel et qu'elles ont été acquises avec l'expérience.

- Comment se défaire du syndrome de l'imposteur ?

On peut faire des exercices comme le "fake it till you make it", qui consiste à simuler la confiance en soi, la compétence, jusqu'à ce que l'on finisse par y croire véritablement. Le simple fait de changer sa posture impacte les réactions de son environnement. Si l'on est stressé, son environnement le sent. À l'inverse, quand on fait en sorte d'apparaître plus calme, on génère d'autres comportements, qui nous renvoient une image différente et nous changent aussi, en quelque sorte. Certains de mes patients y arrivent très bien naturellement, notamment ceux avec des hautes fonctions ou des postes à responsabilité. Néanmoins, cette astuce a une limite : au plus profond d'eux-mêmes, ils ne peuvent pas s'empêcher de se sentir comme des imposteurs.

- Recommandez-vous une méthode plus efficace ?

Oui, j'utilise une thérapie basée sur les neurosciences, l'EMDR (eye movement desensitization and reprocessing), c'est-à-dire la désensibilisation et le retraitement par les mouvements oculaires. Par exemple, je demande au patient de se remémorer un souvenir perturbant, dans lequel il ne s'est pas senti à la hauteur ou nul, et je lui fais faire des mouvements de gauche à droite avec ses yeux, en laissant ses pensées dériver, jusqu'à ce que la perturbation disparaisse. De fait, l'EMDR permet de désensibiliser l'émotion qui reste perturbante et de retraiter la croyance négative, notamment en installant un sentiment positif à la place.

C'est comme si le souvenir perturbant était stocké de manière isolée dans un réseau de mémoire dysfonctionnel. Ce dernier est isolé des autres expériences, fonctionnelles et adaptatives : c'est pourquoi certains se savent compétents, rationnellement parlant, mais n'ont pas l'impression de l'être. En somme, on travaille sur l'émotionnel et l'irrationnel, sur ce qui fait que l’on ne peut pas s’empêcher de ressentir, penser, telle ou telle chose.