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Incompréhension

Pleurer après l'amour : qu'est-ce que cela veut dire ?

Par Aude Solente

Alors que les rapports sexuels sont généralement associés à la joie et au plaisir, nombreuses sont les femmes qui ont déjà pleuré une fois le rapport terminé, souvent sans même comprendre pourquoi. Caroline Kruse, conseillère conjugale et auteure de "Le savoir-vivre amoureux. Les secrets des couples qui durent" revient avec nous sur ce phénomène et nous explique à quoi il peut être dû.

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- Mieux Vivre Santé : Dans une étude publiée par le Journal of sexual medicine en 2015, 46% des femmes interrogées déclaraient avoir déjà pleuré après un rapport sexuel. Qu’est-ce qui peut expliquer qu’un rapport sexuel, pratique généralement associée au plaisir, puisse occasionner des pleurs et de la tristesse une fois terminé ? 

Caroline Kruse : La plupart des études et des enquêtes s’accordent à dire qu’il y a à cela des causes multiples. Elles peuvent d'abord être physiologiques et hormonales comme la chute brutale des neurotransmetteurs sécrétés durant l’amour, c'est-à-dire de l'ocytocine -l'hormone de l'attachement- mais aussi des endorphines ou de la sérotonine.

Elles peuvent également être psychiques. C'est d'ailleurs cet aspect psychique qui est davantage mis en avant lors des entretiens individuels ou de couples durant lesquels les patients s’interrogent sur les raisons psychologiques de ces pleurs.

- Dans quelles circonstances peut-on pleurer de tristesse après un rapport sexuel ?

On peut déjà évoquer ces cas où, même si la relation est satisfaisante dans beaucoup de domaines, elle l’est nettement moins dans la sexualité. Ces cas de femmes qui, et ça existe encore plus qu’on ne le pense, n’ont pas d’orgasme, se bloquent , n’y « arrivent pas » comme elles disent et en ressentent jusqu’aux pleurs, colère, agacement, frustration, tristesse.

Ces blocages peuvent aussi être dus à une histoire personnelle compliquée. Je pense, par exemple, à une patiente que sa mère emmenait alors qu'elle était enfant dans les chambres d’hôtel où elle se rendait pour rencontrer ses amants. On mettait la petite dans un coin, et si elle ne voyait pas tout, elle entendait tout. Se faisant, à l'âge adulte et malgré  la tendresse de son mari lors de leurs rapports sexuels, elle ne parvenait pas à éprouver du plaisir et encore moins à jouir, ce qui provoquait des accès de pleurs irrépressibles.

Par ailleurs, ils peuvent être dus aussi au fait que le compagnon, et cela arrive plus souvent qu’on ne l’imagine, a une sexualité « égoïste » qui ne tient compte ni du rythme, ni des envies ni, des non envies de sa partenaire. Ceci peut alors aussi entrainer des pleurs de tristesse et de frustration.

Ils peuvent enfin être causés par un geste, un mot du partenaire ou par le réveil d’un évènement traumatique d’abus subi dans le passé. 

- A contrario, ces pleurs peuvent-ils parfois être le prolongement du plaisir ?

Oui, pleurer après l’amour peut signifier, au contraire, que l’acte sexuel a été pleinement satisfaisant qu’on a pu se laisser aller, lâcher prise. Il s’agit alors de pleurs de joie ou de gratitude envers soi-même comme envers son partenaire. On a pu se faire à soi-même et faire à l’autre cadeau de cet « abandon » et l’émotion qu’on en éprouve se traduit, comme lors d’autres moments de vie particulièrement intenses, heureux (déclaration d’amour, mariage , naissance d’un enfant ) c'est-à-dire par des larmes.

Cela me fait penser à la deuxième saison d'En thérapie dans laquelle Lydia, une jeune femme d’une vingtaine d’années explique au Docteur Dayan qu’en général, même pendant l’amour avec son ami, elle a l’impression de se dissocier, d’avoir toujours sur elle-même un regard surplombant qui assèche ses émotions. Or, un soir alors qu’elle va peut-être accepter enfin de confier à son amoureux qu’elle a un cancer, ils font l’amour comme jamais auparavant, elle « perd le contrôle » comme  jamais auparavant et elle pleure avec tant d’abandon qu’il se met à pleurer à son tour, dans ses bras. Ici, c'est un peu comme si la menace de la mort redonnait à Lydia la capacité de s’abandonner par le sexe, à la vie .

- L’étude de 2015 était centrée sur les femmes, pour autant est-ce à dire que le sex-blues les concerne avant tout ? 

Il est vrai, y compris dans mon cabinet, que cette question n’apparait pas souvent chez les hommes. Cela étant dit, j’en vois de plus en plus qui se laissent aller à leurs émotions et ne retiennent pas leurs larmes quand l’entretien aborde un sujet qui les touche.

Peut-être que ces pleurs de tristesse ou de joie  après l’amour, les hommes se les autoriseront-ils dans quelques années quand les nouvelles générations ne seront plus élevées dans le dictat qui consiste à dire qu’un homme ne doit pas se laisser aller, ne doit pas pleurer, y compris dans un moment où leur « virilité » serait en jeu.

- Enfin, si nous sommes récurrents du fait, que pouvons-nous faire ? Si pleurer après l’amour nous dérange, il y a-t-il certains réflexes à avoir pour remédier à la situation ?

S’il s’agit de pleurs de frustration, il faut évidemment en parler à son partenaire. Il faut essayer de lui expliquer ce qu’on ressent sans pour autant le culpabiliser, ni suggérer que c’est de sa faute, qu’il ne sait pas s’y prendre pour nous satisfaire ou qu’il est un mauvais amant. Si c’est trop difficile, le mieux c’est alors d’aller en parler à un thérapeute conjugal seul, ou en couple pour essayer de comprendre ce qui se passe.

Pour ce qui concerne des pleurs devenus « réflexes », si cela gêne vraiment, un thérapeute comportementaliste peut aider. Quant aux pleurs de joies, ils ne sont pas si fréquents et quand ils surviennent, je ne pense pas qu’on puisse en être ( soi ou son partenaire ) embarrassée, bien au contraire !