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Sexualité

Echangisme, relation libre... Les nouvelles formes de couple peuvent-elles sauver le désir ?

Par Stanislas Deve

Ils sont échangistes, en couple libre, polyamoureux, libertins, en trouple... Comment les nouvelles formes de couple peuvent-elles faire évoluer les normes conjugales et notre rapport à l’amour, au désir, à la sexualité ? Bribes de réponses avec les sexologues Aurore Malet-Karas et Sylvain Mimoun.

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-Mieux Vivre Santé : Pourquoi les nouvelles formes de couples ont-elles le vent en poupe ?

Dr Aurore Malet-Karas : Cela n’a rien de nouveau, elles existent depuis la nuit des temps ! Le sujet est davantage mis sur la table aujourd’hui parce que c’est simplement moins tabou et sulfureux qu’avant. Et c’est tant mieux, il est essentiel de dédramatiser ces pratiques. De nombreux récits témoignent de modes de relations similaires existant dans les tribus de chasseurs-cueilleurs ou durant l’Antiquité. Dans notre société occidentale, centrée autour du noyau familial et d’une représentation exclusivement hétéronormée, les autres formes de couple ont été interdites, notamment à compter de l’époque victorienne au XIXe siècle. A l’époque des Lumières, le libertinage était ainsi un acte de revendication politique. L’adultère a été un délit jusqu’en 1965, mais les amants, les maîtresses, la non-exclusivité ont toujours existé. Ce qui est nouveau, avec les nouvelles technologies numériques et les réseaux sociaux notamment qui ont libéré la connaissance sur ce sujet, c’est que les gens ont réalisé qu’ils n’étaient pas des cas isolés, que d’autres avaient les mêmes envies. Aujourd’hui, une personne sur cinq environ s’est déjà retrouvée à un moment de sa vie en situation de relation multiple ou libre, c’est énorme ! L’avènement de la contraception a aussi changé les choses : fini le risque de tomber enceinte et de développer des maladies vénériennes.

Dr Sylvain Mimoun : Si les nouvelles formes de couple ont autant d’écho, c’est d’abord parce que c’est un sujet vendeur qui met en avant des thèmes comme le sexe ou la liberté. Mais c’est aussi rendu possible par la levée des tabous sur le sujet. La nouvelle génération est particulièrement concernée, car c’est toujours plus facile d’avoir une pratique libre au début de la vie, quand notre corps fonctionne bien et que l’on vit une pulsion forte. C’est à la longue que ça devient compliqué : les deux n’avancent pas au même rythme, au bout d’un moment l’un ou l’autre a moins d’envie, et c’est là que les problèmes commencent. Il peut donc être intéressant de commencer par une relation monogame, puis après avoir fondé une totale confiance en l’autre, d'évoluer vers une relation plus libre.

-Plus que la sexualité, est-ce aujourd’hui une question de liberté, d’identité ? Le couple traditionnel ne semble plus être un but en soi...

AMK : Nous sommes dans un référentiel occidental judéo-chrétien, où la question du couple traditionnel a toujours été questionnée. Les nouvelles formes de couple s’inscrivent dans cette contestation du couple traditionnel. Il ne faut pas oublier qu’en biologie, la norme est la diversité : par exemple, certains couples d’animaux restent ensemble le temps seulement que leur petit se développe, et chez la plupart des primates la monogamie n’est pas la règle.
Si la monogamie a eu autant de succès, c’était d'abord parce qu’elle garantissait la passation des biens au sein de la famille : c’était purement institutionnel, législatif, mais aussi politique, pour mettre à la marge tous les comportements divergents.

-En quoi les nouveaux couples peuvent-ils changer les rapports conjugaux ?

AMK : Cela risque de ne pas changer grand-chose ! S’engager dans une forme de relation pour pimenter la vie de couple peut être un piège car certains en sont capables, d’autres pas du tout. En réalité, c’est un peu comme l’orientation sexuelle, la seule question à se poser est : « ce type de sexualité m’intéresse-t-il » ? C’est pour cette raison qu’il faut d’abord bien se connaître soi-même, afin de savoir ce dont on a besoin, ce que l’on veut et ce que l’on ne veut pas. Cela évite de perdre du temps et d’en faire perdre à son/sa partenaire. Il faut communiquer !

SM : Cela dépend des gens. Si l’on s’adresse à quelqu’un de très inhibé, ces nouvelles pratiques risquent de l’éloigner de la sexualité... Cela peut être fait n’importe comment : une femme très réservée sur le plan sexuel qui est amenée dans un club échangiste par son mari a toutes les chances d’être traumatisée par l’expérience... Le couple ouvert est souvent très difficile pour le partenaire qui a abdiqué, celui qui n’est pas initiateur de ce type de relation. Selon moi, il y a un perdant dans la plupart des cas ! Dans l’idéal, en théorie, il faut donc qu’il y ait de l’égoïsme partagé pour chacun des partenaires, c’est-à-dire que chacun sache ce qui l’excite personnellement. A partir du moment où les deux parties sont dans leur registre propre, cela peut fonctionner. Mais il faut commencer par en parler pour faire monter la température, le jeu commence par là.

-Peut-on voir la relation libre ou l’échangisme comme une solution pour un couple qui bat de l’aile ?

AMK : Pourquoi pas, mais seulement si le problème du couple est causé par une divergence des envies, et si l’un ou l’autre a envie ou besoin d’essayer autre chose. A l’inverse, si le sujet de discorde n’a rien à voir avec la sexualité, ce n’est pas forcément conseillé de tester de nouvelles choses. D’autant que cela peut être un point de non-retour : certains se rendent compte après coup qu’ils ont accepté quelque chose qu’ils ne peuvent finalement pas supporter. Avant de passer à l’acte, il est donc conseillé d’aller voir un sexologue (pas un thérapeute de couple), qui connaît un peu mieux ces milieux, afin d’être accompagné dans ces transitions. On peut discuter avec des adeptes, participer à des « cafés polyamour » sur Internet, poser des questions... L’objectif, dans la discussion, est d’établir certaines règles à respecter. La femme, dans un couple libre, aura par exemple plus d’opportunités en termes de séduction (elle est souvent abordée) que l’homme (qui doit aborder), le risque est d’aboutir à un certain déséquilibre. La nouvelle relation doit souvent se négocier, si possible avec une tierce personne habilitée.

SM : Ce ne doit pas être vu comme une solution. N’oublions pas que les couples qui réussissent le mieux ce type de relations ouvertes, ce sont ceux qui ont le moins besoin de recréer le désir... L’important est de juger la relation par rapport à soi-même et ensuite d’édicter les règles à deux. Si, dès le départ, les règles vous froissent, vous mettent mal à l’aise ou empêchent de penser, il faut s’interroger sur le bien-fondé du projet.

-Quel est l’intérêt de ces nouvelles formes de couple ?

AMK : L’avantage, c’est la mise en commun des ressources. Selon des études, les enfants de couples en relation libre ont de meilleures capacités relationnelles, plus matures et plus fortes. Ils montrent également plus de bienveillance et de non-violence que les autres. L’important, pour la société en général, c’est de banaliser ce type de nouvelles relations. Et ainsi éviter les drames d’adultères et les schémas de couples parentaux qui vont tenir ensemble uniquement parce que l’un des conjoints trompe l’autre depuis des années, ce qui lui permet de retrouver un équilibre et de limiter les conflits conjugaux.

SM : L’intérêt principal est de relancer l’excitation et le plaisir du couple, bref les rapports sexuels. Mais cela peut également faire évoluer l’amour que le couple se porte, en renforçant la confiance, la complicité... Les jeux sexuels, et d’une manière plus globale le fait de bien s’entendre sexuellement, renforcent les rapports affectifs, c’est prouvé.

-En France, plus de 45 % des mariages finissent par un divorce, et un homme sur deux (une femme sur trois) commet l’adultère. S’engager dans une relation libre, par exemple, est-ce finalement être plus honnête ?

AMK : La plupart des couples ouverts font ce constat : ils ne sont pas différents des autres, et ils risquent de se faire rattraper par l’adultère avec le temps. Comme par anticipation, avec un discours d’éthique et d’honnêteté, ils actent donc le fait qu’ils ne seront pas exclusifs. Ils officialisent une liberté dans le couple qui, de toute façon, aurait eu de grandes chances de se faire en douce et au détriment de l’un des partenaires. C’est très sain, comme façon de voir les choses, car cela permet un relâchement.