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Autre dimension

Impression 3D des aliments : la révolution nutritionnelle en marche

Par Mathilde Debry

Stéphane Portanguen, ingénieur à l’INRAE dans l’unité "Qualité des Produits Animaux (QuaPA)", nous explique tout ce qu’il faut savoir sur l’impression en trois dimensions des aliments, une nouvelle technologie en passe de révolutionner le secteur de la nutrition.

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- Mieux Vivre Santé - Qu’est-ce que "l’impression en trois dimensions" ?

Stéphane Portanguen - Le principe de l’impression en trois dimensions est de déposer couche par couche des matériaux pour former un objet dont la forme et la composition auront été déterminées préalablement via un ordinateur.

C’est une technologie aujourd’hui utilisée dans plein de domaines différents comme le design, la mécanique, la médecine ou encore l’alimentaire.

- Concrètement, comment imprime-t-on un aliment ?

On utilise d’abord un logiciel de conception assistée par ordinateur, qui va nous permettre de dessiner l’objet à imprimer et de programmer sa texture. On rentre ensuite les données concernant sa composition, et on envoie tout ça à l’imprimante 3D qui sort l’aliment.  

- Qu’est-ce que cela peut créer comme nourriture ?

Si vous investissez dans une imprimante 3D aujourd’hui, vous pourrez par exemple imprimer sous toutes les formes (fleur, flocon de neige...) de la pâte d’amande, de la pâte à biscuit, de la viande hachée, du guacamole ou encore de l’houmous.

- Depuis combien de temps cette technologie existe-t-elle ?

Les premières impressions de décorations comestibles en sucre ou en caramel datent de 2012, mais c’était très basique. Les applications destinées à produire de véritables aliments ont vraiment commencé à percer il y a 5/6 ans, et mon équipe s’y intéresse depuis 2018.

- Sur quoi votre équipe de recherche travaille-t-elle ?

Nous travaillons sur l’impression 3D de la viande, car c’est un produit très compliqué à reproduire de la sorte si on n’utilise pas d’additifs.   

- Quel est votre but ?

Nous visons à imprimer une petite bouchée apéritive de viande de bœuf sans additif, destinée à apporter des protéines animales à ceux ayant du mal à mâcher, comme cela peut être le cas des personnes âgées, polyhandicapées ou sortant d’une chirurgie ORL lourde. L’idée est d’arriver à produire une viande plus "masticable" sans pour autant servir de la bouillie, et à terme de concevoir des gammes d’aliments les plus adaptées possibles aux problèmes des gens.

Nous cherchons aussi à incorporer dans la bouchée une substance naturelle à base de graine de lin pour tapisser la bouche au moment où les personnes vont croquer dedans, et ainsi les aider à bien avaler.

- Où en sont vos travaux aujourd’hui ?

Nous avons déjà réussi à développer un prototype qui permet d’imprimer de la viande pure grâce à un nouveau procédé mécanique. La prochaine étape consistera à tester différentes formules avec une mastication artificielle, puis en vie réelle au sein de plusieurs EHPADs. L’idée est de voir comment les personnes ingurgitent ce nouveau type d’aliment et si elles acceptent de le manger en sachant qu’il s’agit d’impression 3D, ce qui est loin d’être évident.

- A terme, l’alimentation imprimée pourra-t-elle remplacer la nourriture traditionnelle ?

Certains chercheurs pensent que oui, mais je dirais plutôt que non, notamment parce que les technologies ne sont aujourd’hui pas capables de produire en grande quantité. A mon sens, imprimer tout un repas n’est intéressant que pour les personnes touchées par des pathologies très spécifiques.

- Est-ce une technique qui peut encore progresser ?

Oui. Dans le domaine alimentaire, nous n’en sommes qu’aux prémices de l’impression 3D. Il y a une énorme marge de progression, notamment parce que de nombreux scientifiques travaillent sur d’autres axes que la viande, en cherchant par exemple à produire des denrées riches en fer ou en amidon pour les personnes souffrant de carences.