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Du bébé à la mère

Les faiblesses de la médecine de la naissance

Par Philippe Berrebi

Un taux de mortalité infantile qui la place au 20e rang européen, un décès maternel sur deux évitable, la France ne parvient pas à corriger ses lacunes en matière de périnatalité. 

BRANDEL/WPA/SIPA
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L’autopsie et les enquêtes permettront peut-être d’expliquer pourquoi une jeune femme a perdu son enfant in utero après avoir été renvoyé chez elle par le service de la maternité de Port-Royal.
En attendant les conclusions, ce drame soulève à nouveau les questions autour de la périnatalité (1) en France.  En dépit des plans de restructuration du parc des maternités, l’offre n’est pas en adéquation avec la réalité. 70% des accouchements ont lieu dans les maternités les plus sécurisées (niveaux 2 et 3) alors que 80% des accouchements se déroulent dans des conditions normales.

Au delà des structures, la médecine de la naissance montre des faiblesses en France. Le pays affiche depuis longtemps de mauvais résultats concernant « la mortalité maternelle, la morbidité et la mortalité périnatale ». En 2012, un rapport de la Cour des Comptes soulignait qu’en matière de politique de périnatalité, la remobilisation  était urgente.


La mortalité infantile
(2) stagne en France depuis 2005 alors qu’elle baisse dans d’autres pays. Avec un taux de 3,8 décès pour 1000 naissances, l’Hexagone est passé du 7e rang européen en 1999 au 20e rang en 2009. Les taux de mortalité ont augmenté au bout de la première semaine de vie et du premier mois de vie entre 2005 et 2009.
L’augmentation de l’âge des mères, du nombre de prématurés ou la montée de la précarité ne suffisent pas expliquer cette spécificité française. Pour l’Inserm, les 3053 décès d’enfants de moins d’un an survenus en 2009 auraient pour origine une affection dont l’origine se situe dans la période périnatale (48%), une malformation (22%) ou une mort subite du nourrisson (9%). L’enfant décédé la semaine passée pourrait faire partie de cette dernière catégorie.

Les disparités régionales. Cette mortalité peut varier du simple au triple selon les régions. En 2009, le taux s'élève à 2,7 décès pour 1000 naissances en Corse contre 5 en Alsace et entre 8,1 et 9,5 dans les départements d’outre mer (Dom). Là encore, la composition des bassins de population ne permet pas d’expliquer de telles différences.

Les décès maternels (3). Le taux s’établit environ à 8 décès pour 100 000 naissances sur la période 2006-2008, soit un peu moins de 70 par an. Mais 46% d’entre eux seraient évitables, observent les rapporteurs. 90% des ces accidents seraient liés à des hémorragies que des soins appropriés auraient permis d’éviter. D’ailleurs, la mortalité maternelle est trois fois plus élevée que la moyenne dans les Dom et 30% plus élevée dans la région Ile de France.

Une dégradation du système d’informations. Si toutes les causes  conduisant à ces scores médiocres ne sont pas clairement identifiées, la Cour des comptes estime que « le système d’information français repose sur des données fragmentées, fragiles et dont le regroupement est consommateur de temps et d’énergie ». Depuis 2008, affirme-t-elle, « la France n’est plus (…) en mesure de produire d’indicateur fiable pour ce qui concerne les enfants nés sans vie ».  Cette lacune est d’autant plus préoccupante, que nous avions « en 2004 le taux de mortinatalité (4) le plus élevé d’Europe. ». Comment développer des actions publiques adéquates sans connaitre les bons indicateurs ?


(1) La périnatalité englobe l'ensemble des prestations et actes médicaux relatifs à ces phases de la vie maternelle et infantile
(2) Nombre d’enfants décédés avant leur premier anniversaire pour 1000 naissances vivantes
(3) Nombre de décès pour 100 000 naissances pendant la grossesse ou les 42 jours  suivant sa fin
(4) Nombre de morts fœtales à partir de la 15e semaine