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Entretien avec le Pr Lejoyeux

Schizophrénie : "Il n'y a pas de déterminisme génétique"

Par Léa Surugue

Une étude a mis en évidence 120 mutations génétiques impliquées dans la schizophrénie. Mais il ne faut pas conclure au déterminisme, estime le Pr Michel Lejoyeux.

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Des centaines de mutations génétiques impliquées dans la schizophrénie. C’est la plus grande étude génétique jamais réalisée pour comprendre comment et pourquoi se développe la schizophrénie. Publiée dans la revue Nature, elle compare l’ADN de 37 000 personnes malades avec celui de 113 000 personnes saines afin de déterminer quel rôle jouent les gènes. Et les résultats sont concluants, puisque les chercheurs ont identifié plus de 120 mutations génétiques présentes chez les schizophrènes, localisés sur 108 zones différentes des chromosomes.

Interactions complexes

Des résultats très intéressants pour le Pr Michel Lejoyeux, psychiatre à l'Hôpital Bichat à Paris. Ils valident selon lui l'origine biologique de la maladie. Cependant, il précise aussi que « la schizophrénie est une maladie très complexe, liée à une interaction entre facteurs environnementaux et facteurs génétiques. Mais attention, il n'y a pas de déterminisme génétique, un gène n'est pas responsable à lui seul de la maladie, tout comme le fait de posséder plusieurs des variantes génétiques décrites dans l'étude n'implique pas nécessairement qu'une personne sera schizophrène. »

D'autres facteurs entrent en jeu : avoir souffert d'un traumatisme crânien ou d'une maladie infectieuse, le milieu socio-économique dans lequel on évolue... Des liens familiaux relâchés favorisent aussi la schizophrénie. Il n'y a donc pas de fatalité liée aux gènes, mais les facteurs environnementaux ne sont pas les uniques responsables, preuve que la situation est compliquée.


Affiner les phénotypes
La schizophrénie peut être caractérisée par des hallucinations, de la paranoïa, des sautes d’humeur, de l’apathie ou encore un repli sur soi. Ce trouble mental grave touche environ 600 000 personnes en France. Alors que les recherches sur les traitements stagnent depuis les années 70, les résultats de cette étude peuvent redonner de l’espoir aux malades, qui représentent 0,7 % de la population mondiale. De nombreux médicaments existent déjà pour lutter contre la maladie, mais comme ses facteurs génétiques n’étaient jusqu’alors pas très bien compris, leur portée restait limitée.

Pour le professeur Lejoyeux, cette étude peut changer la donne et avoir des applications concrètes pour les patients. Ainsi, selon lui, « une meilleure connaissance des variables génétiques impliquées dans la schizophrénie permettrait d'affiner les phénotypes de la schizophrénie et de définir différents types de schizophrénies, avec différentes causes. » Des traitements plus personnalisés, plus adaptés à chaque patient, pourraient alors être proposés. Elle pourrait aussi ouvrir la voie au développement de nouveaux psychotropes, même si cela n'est pour le moment pas encore à l'ordre du jour.