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Surconsommation

Le ministère sonne l’alerte sur les antibiotiques

Par Mathias Germain

Pour éviter que les bactéries résistent aux antibiotiques, le ministère de la Santé souhaite réduire d’un quart leur consommation en cinq ans.

Encore un effort avec les antibiotiques ! Le ministère de la Santé a décidé de mobiliser à nouveau la population et les professions de santé sur le bon usage de ces médicaments. Grâce au troisième plan national, les autorités sanitaires espèrent faire baisser leur consommation de 25 % en cinq ans. Quels sont les enjeux ? La consommation des antibiotiques a baissé de 16 % en France en dix ans. Mais le pays est toujours l'un des plus gros consommateurs d'Europe derrière la Grèce. Le mouvement de baisse sur dix ans a surtout été sensible pendant les cinq premières années. Une « légère tendance à la reprise » de la consommation est même apparue depuis 2005, notamment en 2009, l'année de la grippe H1N1, bien que la grippe ne se traite pas par des antibiotiques. La consommation progresse avec l'âge et diffère selon le sexe et la région. Les femmes – du moins jusqu'à l'âge de 64 ans – prennent davantage d'antibiotiques que les hommes et le niveau de consommation est plus élevé dans le nord de la France. Et il y a encore beaucoup de mésusage de ces produits, rappelle le Pr Benoît Schlemmer, le président du Comité national de suivi du Plan Antibiotiques. , « 70% des bronchites chez les adultes, expliquet-il, sont traitées par antibiothérapie en France contre 40% en Allemagne ».  

Pr Benoît Schlemmer, responsable du suivi des Plans Antibiotiques: "dans bien des cas, les infections banales ne nécessitent pas d'antibiotique".



A cause de cette surconsommation, l’antibiorésistance des bactéries progresse. D'après une étude européenne présentée au congrès international des maladies infectieuses, 4% des enfants et 7% des adultes en soins de ville présentent une résistance aux antibiotiques. A l'hôpital, tout le monde a en tête le staphylocoque doré résistant à la méticilline mais de nouvelles bactéries résistantes émergent, constate le Dr Bruno Coignard de l'Institut de veille sanitaire (IVS). « Actuellement, les infections dues aux entérobactéries productrices de carbapénèmases se multiplient. Elles sont résistantes et peuvent conduire à des échecs thérapeutiques. Ce sont des bactéries qui colonisent la flore digestive des personnes et qui peuvent se transmettre. »

 Dr Bruno Coignard, Département des maladies infectieuses à l’IVS: "en cas d’infection, il est recommandé d’isoler la personne"



Autre sujet d'inquiétude : la réduction de 15 % du nombre des molécules antibiotiques disponibles en France. En dix ans, vingt-cinq produits ont cessé d' être commercialisés et seulement dix nouvelles substances ont fait leur apparition. Ce que certains scientifiques expliquent par la faible rentabilité des antibiotiques. « Cette situation est particulièrement préoccupante car l'appauvrissement progressif de l'offre restreint l'éventail des solutions de recours, note le Pr Dominique Maraninchi, directeur de l’Agence nationale du médicament. En pratique, les médecins sont déjà confrontés à des infections susceptibles de menacer le pronostic vital des patients par manque d'antibiotiques efficaces. »  Selon un rapport européen, vingt-cinq mille patients seraient morts en 2007 d'infections liées à des bactéries multirésistantes, qui n'ont pu être traitées.

Face à ces menaces, le plan du ministère de la Santé comprend plusieurs mesures. Il demande aux médecins de réduire leurs prescriptions. En ville, l'assurance maladie a fixé via la convention 2011 signé avec les médecins libéraux un objectif de -10% de prescriptions d’antibiotiques chez les adultes. En outre, l’utilisation de tests d’orientation diagnostique est recommandée, par exemple pour savoir si une angine est d’origine virale ou non. Pour limiter les mauvais usages, l'Agence nationale du médicament prépare aussi pour 2012 une liste d'antibiotiques à prescription réservée : les antibiotiques à large spectre ne devraient plus être utilisés en médecine de ville.

« Les antibiotiques, si on les utilise à tort, ils deviendront moins forts ». Les médecins ne sont pas les seuls à supporter l’effort. La population générale est sensibilisée par des campagnes de communication prévues par l’assurance maladie. Dernier point de ce troisième plan national sur les antibiotiques, le ministère prévoit une relance de la recherche fondamentale et clinique.