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Hôpital

Les urgences au bord de la catastrophe

Par Cécile Coumau

Avec l'épidémie de grippe, les hôpitaux déclenchent les uns après les autres le plan "Hôpital en tension". Des mesures d'urgence qui risquent de ne pas suffire pour éviter des morts liées aux saturations.

BORDASSIPA
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Du jamais vu depuis 30 ans ! Ce n’est pas un syndicaliste se laissant aller à un peu de catastrophisme qui le dit mais un professeur de médecine habitué au tact et à la mesure. Pour Jean-Emmanuel de la Coussaye, responsable des urgences de la Conférence des présidents de commission médicale d’établissement, "en 30 ans, c'est la première fois que l'on observe une situation aussi tendue et surtout qui se pérennise". Cet embouteillage dans les services d’urgences de nombreux hôpitaux s’expliquerait par un effet « canicule d’hiver ». En effet, selon le Pr de la Coussaye, la succession de l’épidémie de gastro-entérite et de la période de grand froid a conduit de nombreuses personnes âgées à l’hôpital. Et elles n’en étaient pas encore ressorties lorsque l’épidémie de grippe a commencé à sévir.

Donc, aujourd’hui, les hôpitaux déprogramment à tout va les interventions non urgentes pour qu'il y ait des places dans les services de médecine et ainsi désengorger les urgences.

Cette situation de crise est d'autant plus préoccupante qu'aujourd'hui, on connaît les conséquences précises d'un manque de place en service de réanimation. Concrètement, les patients qui sont refusés en réanimation parce qu'il n'y a plus un seul lit de libre affichent, sept jours plus tard, un taux de décès de 21,9% contre 15,6 % pour les patients admis immédiatement. Au lieu des 1h10 en moyenne d’attente pour ceux qui sont pris en charge tout de suite, les patients qui se heurtent à des services saturés doivent attendre environ 5 heures. Ce sont ces quatre heures de différence pendant lesquelles le taux de mortalité grimpe. C'est une équipe française du CHU de Poitiers qui vient d'en apporter la preuve.


René Robert
, co-auteur de cette étude : « Refuser des patients parce que nous n’avons pas assez de places me pose des problèmes éthiques ».

 


 

Certes, cette étude a été menée dans l’Ouest de la France, partie du territoire où la densité en lits de réanimation est la plus faible. Ce qui signifie que si le service de réanimation de l’hôpital de la Roche-sur-Yon affiche complet, il faut aller à Nantes et donc faire 50 km supplémentaires. En Ile-de-France, les CHU sont légion et ils ont tous leurs services d’urgences. Pourtant, le plan « hôpital en tension » a dû aussi être déclenché. Et l'association des médecins urgentistes de France, l’Amuf, fait feu de tout bois pour alerter sur le manque de lits. Elle vient donc d’envoyer l’étude du Pr Robert à l'Agence régionale de santé Ile de France pour les faire réagir.


Christophe Prudhomme
, porte-parole de l'Amuf : « l’ARS risque d’être condamnée au pénal pour défaut de moyens entrainant une perte de chance. »

 


 

Suite à ses accusations, nous avons contacté l'ARS. Elle n'a - pour le moment - pas réagi.

Cependant, cette période de tension n’est pas la première du genre. Les hôpitaux franciliens ont connu des séries noires lors des Noël 2008 et 2009. Un patient cardiaque était même décédé après s'être fait refuser dans plusieurs services d'urgence. Pour éviter que l’histoire ne se répète, l'APHP et l'Agence régionale de l’hospitalisation d’Ile-de-france de l'époque ont créé un logiciel. « Capri ». Il permet de connaître de nmanière précise toutes les disponibilités en lits de réanimation à un instant T. Mais, apparemment, Capri n'a pas été magique. 


Christophe Prudhomme
 : « Les séries noires, maintenant, c’est toute l’année ».

 

 

 

L'hôpital serait-il sous tension en permanence, et non pas seulement lors d’épidémies ponctuelles ? Pour l’Amuf, cela ne fait aucun doute. L’hôpital est constamment à flux tendu. L’étude menée par René Robert confirme un peu ces dires puisque les 10 services de réanimation de l'ouest de la France inclus dans l'étude étaient saturés 43 jours sur 45 !