ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > BPCO : le généraliste passe à côté du diagnostic

Etude sur près de 39 000 malades

BPCO : le généraliste passe à côté du diagnostic

Par Afsané Sabouhi

Dans les 5 ans précédant leur diagnostic de broncho-pneumopathie chronique obstructive, 85% des patients ont consulté leur généraliste avec des symptômes respiratoires qui auraient dû alerter.

Lefteris Pitarakis/AP/SIPA

La BPCO est une maladie à la fois fréquente et inconnue. 3,5 millions de Français en sont atteints, 17 000 en meurent chaque année et pourtant, selon un récent sondage de la Fondation du souffle, 90% des Français ignorent jusqu’à la signification de l’acronyme BPCO. La broncho-pneumopathie chronique obstructive est pourtant une maladie insidieuse, essentiellement causée par le tabagisme au long cours. Elle se manifeste par une obstruction lente des voies aériennes et des poumons, due à l’épaississement de la paroi des bronches.

 

Dans 2 cas de BPCO sur 3, le diagnostic intervient trop tardivement, à un stade où les patients sont déjà handicapés par leur essoufflement et finissent par avoir besoin d’une assistance respiratoire. Publiée aujourd’hui dans la revue spécialisée Lancet Respiratory Medicine, une étude menée sur près de 39000 malades montre que plus de 85% des opportunités de diagnostiquer la BPCO plus tôt ont été manquées par leur médecin généraliste dans les 5 ans précédents le diagnostic effectif.

 

Ecoutez le Dr Roger Escamilla, pneumologue au CHU de Toulouse : « Il s’agit de situations très courantes en médecine générale : un patient fumeur qui vient pour une bronchite et on ne va pas plus loin, voire un patient à qui on prescrit un cliché thoracique sans rechercher une BPCO. »

La base de données britannique contenaient des diagnostics de BPCO réalisés entre 1990 et 2009, les auteurs ont donc pu observer les occasions manquées sur de plus longues périodes. Au moins une opportunité de dépistage a été manquée chez 58% des patients dans les 6 à 10 ans avant le dignostic effectif et chez 42% dans les 11 à 15 ans avant.

 

Moins d'occasions manquées chez les patients chroniques

L’étude montre toutefois que les opportunités de dépistage ont été moins ratées chez les patients présentant des comorbidités, c’est à dire d’autres pathologies associées comme un diabète de type 2, des maladies cardiovasculaires ou un reflux gastro-oesophagien. Ce résultat laisse penser que ces patients présentant un tableau plus complexe avec plusieurs pathologies sont suivis plus régulièrement par leur généraliste et celui-ci pense davantage à dépister la BPCO. « C’est une notion nouvelle, intéressante et encourageante qu’apporte cette étude car ces patients avec comorbidités souffrent souvent d’une forme plus sévère de BPCO donc il est d’autant plus crucial de la diagnostiquer tôt », souligne le Dr Escamilla.

 

Le spiromètre, outil de dépistage peu généralisé

Le dépistage précoce de la BPCO, avant que les premiers symptômes ne viennent handicaper le patient, passe par la mesure du souffle, grâce à un outil appelé spiromètre. Mais les médecins généralistes en sont peu équipés et n’ont pas forcément le temps ni la formation pour pratiquer et interpréter ce type d’examen, la spirométrie est donc peu employée en dehors des cabinets des pneumologues.

« Mais même si la mesure du souffle reste indispensable pour poser un diagnostic de BPCO, le médecin généraliste peut s’appuyer sur d’autres indices pour suspecter une obstruction bronchique : des plaintes concernant la qualité de vie, l’essoufflement et l’exacerbation des bronchites », explique le spécialiste. La confirmation pourra alors venir d’une mesure du souffle par spirométrie chez un pneumologue.

La BPCO, une maladie qui ne fait pas assez peur

« Le problème de la BPCO, c’est que tant que les symptômes ne se sont pas déclarés, elle ne fait pas assez peur, ni aux patients, ni à leurs généralistes. Tout le monde s’inquiète des facteurs de risque cardiovasculaire mais pas respiratoire », regrette Roger Escamilla.

 

Ecoutez le Dr Roger Escamilla : « Les patients voient les 2 extrémités, le patient fumeur qui tousse et dit qu’il devrait arrêter la cigarette et le patient BPCO sévère qui respire sous oxygène. Ce qui se passe entre les deux étapes ne semble inquiéter personne ! »

 

Même si les occasions manquées n’atteignent probablement pas 85% en France, les spécialistes espèrent que ce type de chiffres frappants attirera l’attention des Français et de leurs médecins généralistes sur celle qu’ils appellent « l’inconnue meurtrière ».